Du côté des Etats-Unis, richement représentés, on a pu découvrir des films de tous les genres.

Première très bonne surprise, The Revenant de Kerry Prior. Si le thème (un soldat tombé en Iraq revient hanter des amis sous forme de vampire) n'augurait en soit rien de très bon, le film de Prior – vétéran des effets spéciaux hollywoodiens ayant notamment officié sur Abyss et les épisodes 3 et 4 de la série des Freddy Krueger – s'avère être une comédie noire très réussie, dont les moments les plus surréalistes rappellent les meilleurs films de Frank Henenlotter ou Stuart Gordon. Humour gore et satire décomplexée jalonnent ce premier long métrage de la société de production fraîchement crée pour l'occasion, la bien nommée « Putrefactory ». Le film, remarquablement écrit, joue habilement avec les genres, passant aisément du buddy movie (l'équilibre fonctionne parfaitement entre le duo d'acteurs déchaînés David Anders et Chris Wylde) au fantastique décalé, avec un détour totalement inattendu vers le film de super héros, les deux protagonistes principaux devenant brièvement des sortes de vigilantes pour le moins intéressés et aux ambitions très ambiguës. Ce premier long métrage de Kerry Prior transpire l'amour pour le cinéma d'exploitation des eighties, en particulier pour ces films à l'humour corrosif et trash dont Re-Animator reste l'un des plus glorieux étendards. Fortement recommandé donc pour passer un pur moment de cinéma décomplexé, le film est de plus superbement shooté dans les avenues obscures et malfamées d'un Hollywood bien loin des clichés glamours. Dommage que ce genre de petite bande honnête et fun soit condamné à ne jamais trouver le chemin de nos salles françaises et doive se contenter, comme trop de bons films, d'une tournée applaudie des festivals internationaux. On attend avec impatience le prochain film de Kerry Prior.

TheRevenant1

On n'attendra pas par contre la prochaine réalisation de David Stamm, qui présentait cette année The Last Exorcism, film auto-procalmé extrêmement flippant et recommandé par Eli Roth (évidemment producteur du projet). La seule bonne idée de l'affaire est de situer l'action au plus profond d'un bayou de Louisiane, ambiance vaudou boueuse et redneck garantie. Le hic, c'est que le reste ne suit absolument pas dans ce film qui se veut un crossover entre L'Exorciste et [rec.] ; empruntant au premier son thème et au second son concept. Mais ce « rec-xorcisme » échoue totalement à ne serait-ce qu'effrayer un poil un spectateur au bord de l'endormissement. L'idée plutôt ingénieuse de présenter un prêtre charlatan et bien résolu à montrer à quel point son exorcisme est bidon tourne très rapidement au gimmick et la mise en scène ne tire finalement jamais profit de la situation, tandis que les scènes d'exorcisme sont toutes plus vaines les unes que les autres. La fin est carrément une arnaque et lorsque les lumières de la salle se rallument on attend toujours ce fameux climax supposément terrorisant. On l'attend encore.

Au rayon des navets, on enchaîne tout de suite avec le très poseur The Violent Kind, des bien nommés les Butcher Brothers. Ça racole dans les grandes largeurs à l'écran : filles canons et pleines de tatoos, malabars bodybuildés et grosses mécaniques. Le duo de réalisateurs, peu inspiré, met les bouchées doubles pour attiser la curiosité des amateurs de séries B sexy et violentes. On nous présente ainsi une bande de Hell's Angels californiens de troisième génération, élevés au hard rock et amateurs de bastons. Le ton est donné dès les cinq premières minutes : baise, bière et rock n'roll, la vie est coooool pour ces jeunes qui sont supposés sortir de prison mais ont plutôt l'air sortis d'un catalogue de La Redoute. La fine équipe va donc se réunir pour un week-end familial – bière et débauche au programme – en pleine forêt et tomber sur une sorte de virus qui fait se transformer la plus inoffensive des jeunes filles en démon assoiffé de sang. Le reste est un grand bric-à-brac de situations et de répliques insignifiantes, le tout filmé de la façon la plus crue et fade qui soit. The Violent Kind est donc au final une série B sans charme et plus que moyenne, au Q.I. anémique et à l'originalité inexistante. À éviter.

TheViolentKind1

Bien plus intéressant, The Perfect Host de Nick Tomnay joue l'inversion des rôles en nous présentant un dangereux criminel qui s'introduit dans la maison d'un pauvre quidam avant de se faire prendre en otage par ce dernier, qui se révèle être un psychopathe schizophrène totalement partit. Également scénariste, Nick Tomnay à la bonne idée d'éviter une scène d'introduction classique et nous présente le personnage principal, anti-héros par excellence, juste après l'échec relatif d'un braquage. Traqué par la police et méchamment amoché, John Taylor (Clayne Crawford) va donc se réfugier dans le riche quartier de Beverly Hills, chez un bourgeois trop naïfs auprès duquel il se fait passer pour un ami d'un ami à l'aide d'une carte postale subtilisée dans sa boîte aux lettres. Mais la situation de force de John, qui attend le bon moment pour révéler ses intentions belliqueuses à celui qui l'accueil comme le plus sympathique des couchsurfers, va rapidement se transformer en calvaire. On assiste alors à l'explosion du délire de Warwick Wilson (un David Hype Pierce survolté), hôte à l'imagination débridée qui oblige le pauvre John, soudain spectateur impuissant, à participer à un dîner surréaliste en compagnie de ses invités très spéciaux. À ce moment-là de l'histoire, on en a déjà bien trop dit et continuer serait révéler ce qui fait le piment d'un scénario aux rebondissements multiples – parfois même jusqu'à l'excès : la fin est un peu exagérée. Au final, The Perfect Host est un petit film très bien foutu, alambiqué sans être indigeste et bien emballé. La confrontation des acteurs, tous deux excellents, aux styles et aux physiques opposés fonctionne parfaitement. Pas inoubliable pour autant (le concept du film fonctionne bien mais conserve malgré tout ses limites), le long métrage de Nick Tomnay s'apprécie pour son humour sinistre et des situations cruellement ironiques jalonnant une histoire où les apparences sont plus que jamais trompeuses.

ThePerfectHost3

L'une des grosses claques de cette édition 2010 de Fantasia restera sans aucun doute le dernier film de l'anglais Simon Rumley – dont le The Living And The Dead avait fait la tournée générale des festivals du genre il y a quelques années : Red, White & Blue, tourné en plein cœur du Texas, dans la capitale du Lone Star State : Austin. Présentant son film avec enthousiasme, le cinéaste a raconté comment son voyage dans la capitale texane à l'occasion de la présentation de son dernier long au Fantastic Fest (plus gros festival de cinéma de genre des Etats-Unis) et sa rencontre avec les organisateurs de celui-ci (apparemment fers de lance de la contre-culture texane, dont Austin se veut la plaque tournante) l'a décidé à venir y tourner son film. Une nouvelle preuve, si besoin était, de l'importance des festivals dans l'évolution et la propagation du cinéma, lieux de rencontres privilégiés et berceaux de projets toujours plus intéressants. On ne peut qu'être intrigué par cette ville aux multiples festivals (le Fantastic Fest donc, mais aussi le multi disciplines South by Southwest et le Texas Psych Fest) et QG du Monsieur grindhouse du sud des Etats-Unis : Robert Rodriguez. Parmi les films plus ou moins récemment tournés à Austin, on trouve des titres aussi variés que All The Boys Love Mandy Lane, Machete ou encore le dernier né des frères Cohen : True Grit ; preuve de la santé du cinéma dans la ville du capitole texan. De quoi donner l'envie d'aller traîner du côté du pays des cow-boys et de voir de quel bois se chauffe le public de l'Alamo Theatre, véritable institution locale.

RedWhiteBlue1

Pour en revenir au film de Simon Rumley, il doit son titre aux trois couleurs du drapeau texan (insistant encore un peu plus sur l'importance de cet état dans l'histoire et l'ambiance du film, l'un des personnages principaux à d'ailleurs les frontières du Texas tatoué sur la peau), qui sont également celles du drapeau américain, dont le scénario prend l'Histoire violente récente comme point de départ. Red, White & Blue, c'est donc l'histoire d'une triple vengeance, et l'escalade brutale de personnages aveuglés par la haine de soi et des autres. Erica (Amanda Fuller, petit bout de fille qui dégage une dureté incroyable) couche ainsi avec tous les hommes qu'elle rencontre dans l'espoir de leur transmettre le virus du sida qu'elle porte en elle depuis son viol en bas âge. Le film débute donc par la chronique de son errance sexuelle sordide et meurtrière, au court de laquelle elle va croiser Franki (Marc Senter, que les lecteurs de Torso connaissent bien depuis le formidable The Lost), jeune rockeur en quête de reconnaissance. Tandis que ce dernier découvre le piège de la jeune fille, Erica se lie d'une amitié inattendue avec Nate (Noah Taylor, qui a remporté le prix du meilleur acteur pour sa performance), personnage détruit par les horreurs que l'armée lui a fait infliger aux autres et à lui-même. Ces trois personnages, incapables d'établir des relations saines avec les autres, semblent errer dans une ville fantomatique, carrefour de désaxés en tout genre et ou chacun porte en lui une part de monstruosité. On retrouve bien évidemment des thèmes chers à Jack Ketchum dans ce portrait d'un Amérique ensanglantée, à la société gangrenée par la violence et l'isolement affectif. Le rêve américain vu du côté des perdants, oubliés de la réussite individuelle et condamnés à une misère matérielle et sentimentale pathétique. Ces cousins sudistes de Travis Bickle sont traités avec le plus grand respect par la caméra d'un Simon Rumley qui se révèle aussi fin directeur d'acteur que metteur en image. Servi par un 35 mm tout en nuances, le cinéaste construit son histoire scène après scène, jouant habilement des ellipses pour suggérer une violence sèche et incontrôlable. Cette façon de faire monter le tension dramatique pour ensuite désamorcer les scènes de brutalité n'est d'ailleurs pas sans rappeler un autre petit bijou sudiste sortit trop discrètement dans nos salles il y a trois ans, le superbe Shotgun Stories de Jeff Nichols. Red, White & Blue est sans aucun doute un film dur, qui provoque un malaise certain et met à jour une facette peu enviable de la société américaine. Ce long-métrage raconte surtout une histoire profondément humaine, entre déchéance et colère aveugle, véritable quête d'humanité au cœur des ténèbres.

RedWhiteBlue2

Dans un registre totalement différent, le High School de John Stalberg Jr. est venu apporter une touche de comédie adolescente bienvenue et complètement enfumée. Histoire loufoque d'un duo attachant et mal assortit (Sean Marquette, le stoner de service, et Matt Bush, en intello sage qui a fumé son seul joint de l'année au pire moment possible) qui se lance dans le projet délirant de mettre en orbite tout le lycée dans l'espoir de passer à travers les filets d'un test exceptionnel visant à éliminer les élèves adeptes du cannabis au lendemain de l'examen final. Blagues de circonstance et références culturelles fusent dans cette comédie au rythme déchaîné, rondement mise en boîte et emmenée par des acteurs en grande forme, le duo principal donc mais également des seconds rôles complètement inattendus et qui font figure de véritables coups de génie. Adrian Brody campe ainsi le rôle d'un dealeur hargneux et défoncé, tresses plaquées et tatouages partout sur le corps. On l'a rarement vu aussi méconnaissable et en forme. À l'opposé du prisme, on retrouve un Michael Chiklis (le Vic Mackey de The Shield) totalement transfiguré, affublé d'un postiche et fulgurant dans le rôle du Principal Gordon, personnage maniéré et excessivement rigide complètement dépassé par les événements. Au final, High School est une comédie stoner relaxée, gentiment provocatrice (on y fait quand même ingurgiter des quantités astronomiques de space cake à des centaines d'élèves innocents) et à la bonne humeur contagieuse. À placer bien au chaud sur l'étagère à côté des autres classiques du genre, quelque part entre How High et La Main Qui Tue. Un film définitivement sous influence, à regarder de préférence avec des potes et un pack de bières, sous influence ou pas.

HighSchool1

Ajouter un Commentaire


Code de sécurité
Rafraîchir