Fantasia 2010 : Seconde Partie
Les cinématographies d'outremers proposaient également des films de pays inattendus, ou pour le moins au cinéma de genre moins exposé que d'autres.
Grosse déception avec le Wound du néo-zélandais David Blyth, œuvre très expérimentale tentant de faire partager au spectateur la névrose avancée d'une jeune femme au passé confus. En découle un film décousu et sans attrait, sorte de maelström d'images sans fil conducteur. Le plus gros défaut du film reste sa photographie très pauvre, dont résulte ainsi un film moche, ennuyeux et vainement provocateur.
Plus léger, The Loved Ones de l'australien Sean Byrne narre l'histoire d'un teenager séquestré et persécuté par une camarade de classe et son père, tous deux des assassins psychopathes. Ce petit film sans prétention s'avère plutôt efficace, surtout lorsque Byrne mélange habilement les genres, passant avec souplesse de la comédie adolescente au drame psychologique, puis au thriller teinté de fantastique. Très bien écrit et interprété (en premier lieu par Robin McLeavy, qui se déchaîne dans le rôle de la jeune fille sadique, minaudant à outrance pour créer un personnage tristement pathétique), le film pèche un peu par son manque d'originalité, les situations étant toutes relativement déjà vues et le poids des influences se faisant parfois un peu trop lourdement sentir. On a en effet du mal à ne pas deviner l'ombre écrasante de Massacre à la Tronçonneuse sur les nombreuses scènes de persécution, et le métrage de Sean Byrne supporte évidemment mal la comparaison. Reste que The Loved Ones est un bon petit film de genre, devant lequel on ne s'ennuie pas et qui rafraîchit par son honnêteté.
Dans la catégorie au-dessus, véritable ovni présenté à la dernière Quinzaine des Réalisateurs du dernier Festival de Cannes, We Are What We Are du mexicain Jorge Michel Grau reste l'une des très bonnes surprises du festival. Déjà car on voit trop rarement des œuvres fantastiques émerger des pays d'Amérique Centrale, ensuite parce que ce petit film dont on devine le budget anémique est d'une intelligence rare et d'une subtilité parfaitement maîtrisée. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si l'on a comparé ce film avec le Morse de Daniel Alfredson (longuement commenté dans nos colonnes). En effet, il partage avec ce dernier une approche totalement originale du film de genre, ancré dans un réalisme social rigoureux et sensible. Il est question ici d'une famille de cannibales qui doit se trouver un nouveau chef de clan après le décès soudain du patriarche, jusqu'alors pourvoyeur de chair fraîche. Mais loin du grand guignol associé au genre, le cinéaste choisit de se centrer sur les conflits internes de la famille et ancre son récit dans les rues délabrées d'une Mexico crépusculaire. Superbement filmé et interprété avec justesse (une mention spéciale pour les deux interprètes féminines du film, Miriam Balderas et Carmen Beato, toutes deux excellentes dans des registres opposés), le film de Jorge Michel Grau se place dans cette catégorie d'œuvres difficilement cernables, à la lisière du genre et au-delà des conventions. Petit bijou qu'on ne verra probablement jamais sur nos écrans, We Are What We Are laisse entrevoir – comme Morse avant lui – la possibilité d'un cinéma fantastique mature et solidement ancré dans les réalités sociales de son époque.