Fantasia 2010 : Seconde Partie
Le Royaume-Uni était bien représenté, preuve de la santé cinématographique de nos voisins insulaires qui ont vu émerger quelques réalisateurs de films de genre très intéressants ces dernières années.
A tout seigneur, tout honneur, et on commencera donc par la projection exceptionnelle du chef d’œuvre de Ken Russell : The Devils. Sorti en 1971, ce film fou furieux a été censuré ou banni dans la totalité des pays où il a été présenté en son temps et reste encore aujourd’hui d’une intensité déconcertante. Servi par la direction artistique exceptionnelle de Derek Jarman, ce monument de provocation reste d’une incroyable modernité tant sa satire extrême demeure pertinente. Se déroulant dans la France du XVIIe siècle, déchirée entre la chasse aux sorcières et les ravages de la peste, The Devils narre l’histoire (qui, aussi fou que cela puisse paraître, s’inspire d’un fait réel) d’un prêtre libertin devenu la cible de la frénésie sanglante des institutions religieuses, corrompues par l’argent et le pouvoir. Oliver Reed crève l’écran dans le premier rôle et on retrouve une Vanessa Redgrave fantastique dans le rôle d’une sœur bossue illuminée et un Michael Gothard hystérique dans celui d’un exorciste impitoyable. Film libertaire et féroce, presque quarante ans après sa sortie The Devils reste un objet unique, sidérant et d’une densité telle que sa découverte ne déclenche qu’une seule chose : l’envie, pressente, de le revoir. Ken Russell s’est quand à lui vu remettre un prix honorifique célébrant l’ensemble de sa prolifique carrière et eu droit à plusieurs standing ovations chaleureuses. La moindre des choses pour une légende vivante.
Aucun doute possible quand à l'influence de The Devils sur l'un des films les plus attendus de cette 14ième édition du festival. Devenu l'une des vedettes montantes du cinéma fantastique britannique avec des réalisations comme Creep et Severance, Christopher Smith a cette fois mis la barre plus haut en s'attelant à Black Death, thriller médiéval ambitieux doté d'un casting international (Sean « Boromir » Bean, Carice van Houten). Noir et désespéré, ce film à la photographie austère (les directeurs de la photographie européens s'étant semble-t-il mis d'accord pour délaver un maximum leurs images et créer des univers plus désaturés les uns que les autres, le plus souvent pour le meilleur) nous entraîne dans les marécages d'une Angleterre déchirée par la folie religieuse et les exorcismes sanglants. Le jeune moine Osmund (Eddie Redmayne) va ainsi voir sa foi mise à rude épreuve lorsqu'il va être confronté aux agissements d'une sorcière autoproclamée (Carice van Houten, magnétique) dirigeant d'une main de fer un village païen qui semble avoir été miraculeusement épargné par la peste. S'en suivra un voyage sans retour au fin fond des marécages d'un Moyen-Âge morne et violent. Pas encore parfait mais sans aucun doute supérieur à ses long-métrages précédents, le film de Christopher Smith, laisse entrevoir le talent d'un cinéaste capable de réaliser des œuvres denses et personnelles.
On n'attendait pas grand-chose de Doghouse, énième comédie gore surfant sur la vague surexploitée du film de zombies et le succès déjà daté de Shaun of the Dead. Le métrage de Jake West tente d'insuffler au concept l'énergie d'un buddy movie puisqu'il nous présente une bande de potes en quête de régression alcoolisée se retrouvant confrontés à une armée de mortes vivantes avides de chair fraîche. Les personnages sont certes sympathiques, paumés entre le machisme affiché dans la bande et la difficulté de leurs relations conjugales respectives, mais on ne peut qu'être lassé de voir, encore, des types poursuivis par des zombies (ou zombettes), lâchant une blague entre deux éviscérations loufoques. C'est bien trop peu pour stimuler un quelconque enthousiasme.
Heartless, film très attendu et louée par les programmateurs, marque quand à lui le retour de Philip Ridley derrière la caméra après des années de silence. L'ambiance excessivement sombre et glauque de ce long-métrage tire sa substance du sentiment d'insécurité et de violence qui grandît dans certains quartiers de Londres, comme dans de nombreuses villes d'Europe. Ce malaise urbain, illustré par de très belles images d'une ville qui semble plongée dans une nuit interminable et menaçante, va grandir dans l'esprit de Jamie (Jim Sturgess), un être blessé et lancé dans une quête désespérée d'amour et de reconnaissance dans la multitude impersonnelle de la ville. Délinquance ultra-violente sans visage et isolement affectif, c'est la vision définitivement noire que Philip Ridley nous propose du monde urbain au XXIe siècle. On pense à Clive Barker (pour le surgissement du Malin aux portes du quotidien), mais aussi au récent Left Bank (excellent film fantastique flamand présenté à Fantasia en 2009 et sortit récemment en DVD zone 2) et bien sûr, inévitablement, à Orange Mécanique. Mais force est de constater qu'on a du mal à accrocher à un scénario trop alambiqué, réutilisant sans génie des recettes usitées et allant même parfois jusqu'à la référence maladroite (la scène des photos, type Blow Up). Étrange film donc que ce Heartless, porté par une ambiance plutôt originale et une histoire relativement ambitieuse mais plombé par un développement poussif et un manque de subtilité parfois très pesant. Un film plutôt raté donc, mais néanmoins intéressant grâce au travail visuel effectué par Philip Ridley et son équipe.
Le festival Fantasia proposait également une projection de Centurion, dernière création du très sympathique et loquace réalisateur Neil Marshall. Après le succès du très surestimé The Descent et le four du catastrophique Doomsday, le cinéaste montre une nouvelle fois son attachement pour le cinéma des années 80 et la série B, mais se montre étonnement beaucoup plus inspiré. Comme le réalisateur l'a lui-même expliqué avant la projection, l'histoire du film est basée sur la disparition mythique d'une légion romaine à la lisière de ce qui devait devenir l'Ecosse et de la construction consécutive d'un immense mur d'enceinte autour des terres septentrionales de la Grande-Bretagne. On assiste donc à la défaite de la légion emmenée par le général Titus Flavius Virilus (Dominic West, le génial Jimmy McNulty de la série The Wire), puis à la fuite désespérée d'une poignée de survivants faits prisonniers par des guerriers celtes sanguinaires. L'essentiel du film se concentre ainsi sur la chasse à l'homme qui s'ensuit et se révèle être un concentré d'action brutale et très bien filmée. Terminé les cascades irréalistes et lourdingues des précédents opus, place à une action simple et efficace, tout droit sortie des meilleurs actioners qui ont fait les beaux jours de nos défunts vidéoclubs de quartier. Michael Fassbender est totalement crédible en héros de ce film d'action en sandales tandis que la sculpturale Olga Kurylenko campe une chasseuse sans pitié avec un charisme incontestable, un casting de seconds rôles au poil complétant cet habile jeu de massacre. La violence est filmée avec précision et retenue, et Neil Marshall accouche ici d'un métrage qui s'inscrit dans la plus pure tradition des grands survival burnés des maîtres John Boorman et John McTiernan, en y ajoutant une touche de film d'époque pas déplaisante. Centurion fait donc partie des très bonnes surprises de ce festival et ravira à coup sûr les amateurs d'action stylisée, et s'il ne s'élève pas au rang de chef d'œuvre du genre le film révèle une facette très intéressante du travail de Neil Marshall, qui réalise de très loin son meilleur essai. On ne peut que lui souhaiter de continuer dans cette direction et regretter la sortie française confidentielle du long-métrage, qui méritait beaucoup mieux.
Le cinéma canadien était bien représenté sur ses propres terres puisque le festival présentait de nombreuses œuvres locales aux budgets et ambitions très divers.
Commençons par le très intéressant Sortie 67 du montréalais Jephté Bastien. Si la réalisation approximative du film lui donne parfois un côté presque amateur, il faut cependant saluer le mérite de ce cinéaste débutant qui signe ici la première œuvre de cette ambition sur une communauté méconnue de la métropole québécoise. L'histoire se déroule ainsi dans les quartiers nord de Montréal, la fameuse « sortie 67 » correspondant au nom de la station principale du quartier Saint Michel, ghetto où le désespoir et la délinquance grandissent de jour en jour. On suit donc l'itinéraire de Ronald (Henri Pardo), jeune garçon appartenant à la nombreuse communauté haïtienne de la cité insulaire, et qui va se faire happer par la spirale de la criminalité et des gangs de rue. Tourné avec beaucoup d'acteurs amateurs ou débutants, le film nous montre l'autre visage de Montréal, très loin des clichés inhérents au Québec et de la dolce vita de la ville aux cent festivals. Toutes proportions gardées, on peut comparer l'œuvre de Jephté Bastien à des films comme Boyz N' The Hood ou La Haine, dans la mesure ou il attire l'attention pour la première fois sur une communauté exclue de la société et retranchée dans des quartiers devenus des zones de non-droit. On ne peut qu'être fasciné par les dialogues, qui a défaut d'être subtilement écrits sont la représentation directe du langage utilisé dans la communauté haïtienne de Montréal, sous haute influence afro-américaine, mélange inattendu de français, d'anglais et de créole. Les protagonistes sautent d'une langue à l'autre avec une souplesse déconcertante, mais ce dialecte moderne reflète aussi – outre l'aspect multiculturel de la métropole qui rappelons-le est à plus de 50% anglophone – la difficulté de trouver des repères identitaires dans un monde qui tend de plus en plus vers la globalisation. Ronald personnifie cet égarement identitaire puisqu'il est lui-même métis (tout comme l'était avant lui le Jamie du trop méconnu Rage de Newton I. Aduaka) et que le film va se concentrer sur sa tentative de renouer avec son père naturel, blanc et externe à la communauté. S'il n'est pas le premier à traiter ce thème délicat, le film de Jephté Bastien possède la grande qualité de l'amener sur un terrain totalement inédit avec une sincérité enthousiasmante. On ne peut que souhaiter que ce cinéaste débutant continue sur ce terrain ambitieux et acquière une maîtrise technique à mettre au service de ses aspirations profondément humanistes.
Autre petit film, mais précédé d'un important buzz, le très intrigant Neverlost de l'ontarien Chad Archibald laisse malheureusement un goût très mitigé. Rempli de bonnes intentions mais incapable de se démarquer réellement d'influences par trop pesantes (Aronofsky et Lynch surtout), le film raconte l'histoire d'un homme dépressif qui va fuir le quotidien morne et violent de sa vie conjugale en s'enfonçant chaque fois plus profondément dans un univers onirique où il retrouve la perfection de son premier amour disparu il y a des années de ça. Seulement voilà, si la peinture de l'univers glauque que tente de fuir Josh (Ryan Barrett) est plutôt réussie, celle du monde « parfait » après lequel il court est d'une mièvrerie consternante. La petite amie rêvée est une bimbo trop lisse et le blanc laiteux qui illumine constamment le tout termine d'achever la crédibilité de cet univers plat et lourdingue. Autre souci, un scénario maladroit qui se repose un peu trop sur la facilité du « il ne faut pas chercher d'explication logique » et s'embourbe peu à peu dans une incohérence déconcertante. Neverlost est donc une œuvre naïve, dont on salue tout de même la spontanéité et l'indépendance. Mais n'est pas Lynch qui veut.
Autre ampleur pour la comédie vampirique Suck du multitâche Rob Stefaniuk (outre d'être la vedette du film, il en a écrit le scénario, l'a réalisé et en a composé la bande originale). Le film – dans lequel interviennent des guest stars de luxe comme Alice Cooper, Iggy Pop, Henry Rollins et Moby – narre la tournée compliquée d'un petit groupe de rock à travers le nord du continent. Lorsque la ravissante bassiste (Jessica Paré) se fait mordre par un vampire, les membres du groupe découvrent le pouvoir hypnotique des goules et son application très effective au concept du concert de rock. S'ensuit un succès grandissant au rythme des victimes et bientôt tous les musiciens veulent avoir le privilège de partager ce pouvoir extraordinaire, tandis qu'un chasseur de vampires cabôtineur (joué par le grand Malcolm McDowell en personne) se met à les traquer sans répit. Habile mélange de musique, de comédie fantastique et d'énergie rock n' roll, le tout saupoudré de références à la culture rock et de dérision, Suck reste cependant un film limité, sans vrai génie ni originalité. Reçu avec un enthousiasme communicatif par un public complètement acquis à sa cause, Suck est un long métrage fun et sympathique, mais tout de même très redondant et finalement assez oubliable.
Gros morceau de cette édition 2010 de Fantasia, et présenté lors des derniers jours du festival, le très attendu Scott Pilgrim Vs The World marque le retour d'Edgard Wright derrière la caméra après les déjà cultes Shaun Of The Dead et Hot Fuzz. Réalisé par un anglais donc, mais co-production internationale, le film se déroule dans un Toronto enneigé et dégage une ambiante hivernale enveloppante. Adapté de la bande dessinée canadienne éponyme de Bryan Lee O'Malley, Scott Pilgrim Vs The World raconte les aventures surréalistes d'un adolescent (joué par le toujours très bon Michael Cera) qui va devoir affronter dans des duels délirants les sept « exs maléfiques » de la fille de ses rêves. Très enthousiasmant au départ (la première demi-heure est absolument jouissive), le film ne tient malheureusement pas la distance (une bonne demi-heure de trop) et s'enlise dans une redondance ennuyeuse au fur et à mesure des combats de Scott. Ce qui fonctionne à plein régime au début – références culturelles en pagaille, hymne aux jeux vidéos et à la bande dessinée – tombe très vite dans le gimmick et l'apparition du génial Jason Schwartzman (pour le coup un peu mou) à la fin du film ne sauve pas ce dernier du semi naufrage. On aurait aimé plus des dialogues savoureux et des situations poétiques qui rythment le début du film à la place de ces combats interminables et absolument pas originaux, en plus d'être plutôt mal chorégraphiés. Edgard Wright a ainsi du mal a amener le film au-delà de son concept de départ et ce qui aurait pu devenir le film culte de tous les trentenaires avec un penchant pour la régression poétique (un peu à la manière du The Wackness de Jonathan Levine) reste finalement un petite déception. En espérant qu'Edgard Wright retrouve prochainement l'inspiration débridée du génial Hot Fuzz, où son talent de cinéaste raffiné et observateur s'exprimait à plein régime.
Du côté des Etats-Unis, richement représentés, on a pu découvrir des films de tous les genres.
Première très bonne surprise, The Revenant de Kerry Prior. Si le thème (un soldat tombé en Iraq revient hanter des amis sous forme de vampire) n'augurait en soit rien de très bon, le film de Prior – vétéran des effets spéciaux hollywoodiens ayant notamment officié sur Abyss et les épisodes 3 et 4 de la série des Freddy Krueger – s'avère être une comédie noire très réussie, dont les moments les plus surréalistes rappellent les meilleurs films de Frank Henenlotter ou Stuart Gordon. Humour gore et satire décomplexée jalonnent ce premier long métrage de la société de production fraîchement crée pour l'occasion, la bien nommée « Putrefactory ». Le film, remarquablement écrit, joue habilement avec les genres, passant aisément du buddy movie (l'équilibre fonctionne parfaitement entre le duo d'acteurs déchaînés David Anders et Chris Wylde) au fantastique décalé, avec un détour totalement inattendu vers le film de super héros, les deux protagonistes principaux devenant brièvement des sortes de vigilantes pour le moins intéressés et aux ambitions très ambiguës. Ce premier long métrage de Kerry Prior transpire l'amour pour le cinéma d'exploitation des eighties, en particulier pour ces films à l'humour corrosif et trash dont Re-Animator reste l'un des plus glorieux étendards. Fortement recommandé donc pour passer un pur moment de cinéma décomplexé, le film est de plus superbement shooté dans les avenues obscures et malfamées d'un Hollywood bien loin des clichés glamours. Dommage que ce genre de petite bande honnête et fun soit condamné à ne jamais trouver le chemin de nos salles françaises et doive se contenter, comme trop de bons films, d'une tournée applaudie des festivals internationaux. On attend avec impatience le prochain film de Kerry Prior.
On n'attendra pas par contre la prochaine réalisation de David Stamm, qui présentait cette année The Last Exorcism, film auto-procalmé extrêmement flippant et recommandé par Eli Roth (évidemment producteur du projet). La seule bonne idée de l'affaire est de situer l'action au plus profond d'un bayou de Louisiane, ambiance vaudou boueuse et redneck garantie. Le hic, c'est que le reste ne suit absolument pas dans ce film qui se veut un crossover entre L'Exorciste et [rec.] ; empruntant au premier son thème et au second son concept. Mais ce « rec-xorcisme » échoue totalement à ne serait-ce qu'effrayer un poil un spectateur au bord de l'endormissement. L'idée plutôt ingénieuse de présenter un prêtre charlatan et bien résolu à montrer à quel point son exorcisme est bidon tourne très rapidement au gimmick et la mise en scène ne tire finalement jamais profit de la situation, tandis que les scènes d'exorcisme sont toutes plus vaines les unes que les autres. La fin est carrément une arnaque et lorsque les lumières de la salle se rallument on attend toujours ce fameux climax supposément terrorisant. On l'attend encore.
Au rayon des navets, on enchaîne tout de suite avec le très poseur The Violent Kind, des bien nommés les Butcher Brothers. Ça racole dans les grandes largeurs à l'écran : filles canons et pleines de tatoos, malabars bodybuildés et grosses mécaniques. Le duo de réalisateurs, peu inspiré, met les bouchées doubles pour attiser la curiosité des amateurs de séries B sexy et violentes. On nous présente ainsi une bande de Hell's Angels californiens de troisième génération, élevés au hard rock et amateurs de bastons. Le ton est donné dès les cinq premières minutes : baise, bière et rock n'roll, la vie est coooool pour ces jeunes qui sont supposés sortir de prison mais ont plutôt l'air sortis d'un catalogue de La Redoute. La fine équipe va donc se réunir pour un week-end familial – bière et débauche au programme – en pleine forêt et tomber sur une sorte de virus qui fait se transformer la plus inoffensive des jeunes filles en démon assoiffé de sang. Le reste est un grand bric-à-brac de situations et de répliques insignifiantes, le tout filmé de la façon la plus crue et fade qui soit. The Violent Kind est donc au final une série B sans charme et plus que moyenne, au Q.I. anémique et à l'originalité inexistante. À éviter.
Bien plus intéressant, The Perfect Host de Nick Tomnay joue l'inversion des rôles en nous présentant un dangereux criminel qui s'introduit dans la maison d'un pauvre quidam avant de se faire prendre en otage par ce dernier, qui se révèle être un psychopathe schizophrène totalement partit. Également scénariste, Nick Tomnay à la bonne idée d'éviter une scène d'introduction classique et nous présente le personnage principal, anti-héros par excellence, juste après l'échec relatif d'un braquage. Traqué par la police et méchamment amoché, John Taylor (Clayne Crawford) va donc se réfugier dans le riche quartier de Beverly Hills, chez un bourgeois trop naïfs auprès duquel il se fait passer pour un ami d'un ami à l'aide d'une carte postale subtilisée dans sa boîte aux lettres. Mais la situation de force de John, qui attend le bon moment pour révéler ses intentions belliqueuses à celui qui l'accueil comme le plus sympathique des couchsurfers, va rapidement se transformer en calvaire. On assiste alors à l'explosion du délire de Warwick Wilson (un David Hype Pierce survolté), hôte à l'imagination débridée qui oblige le pauvre John, soudain spectateur impuissant, à participer à un dîner surréaliste en compagnie de ses invités très spéciaux. À ce moment-là de l'histoire, on en a déjà bien trop dit et continuer serait révéler ce qui fait le piment d'un scénario aux rebondissements multiples – parfois même jusqu'à l'excès : la fin est un peu exagérée. Au final, The Perfect Host est un petit film très bien foutu, alambiqué sans être indigeste et bien emballé. La confrontation des acteurs, tous deux excellents, aux styles et aux physiques opposés fonctionne parfaitement. Pas inoubliable pour autant (le concept du film fonctionne bien mais conserve malgré tout ses limites), le long métrage de Nick Tomnay s'apprécie pour son humour sinistre et des situations cruellement ironiques jalonnant une histoire où les apparences sont plus que jamais trompeuses.
L'une des grosses claques de cette édition 2010 de Fantasia restera sans aucun doute le dernier film de l'anglais Simon Rumley – dont le The Living And The Dead avait fait la tournée générale des festivals du genre il y a quelques années : Red, White & Blue, tourné en plein cœur du Texas, dans la capitale du Lone Star State : Austin. Présentant son film avec enthousiasme, le cinéaste a raconté comment son voyage dans la capitale texane à l'occasion de la présentation de son dernier long au Fantastic Fest (plus gros festival de cinéma de genre des Etats-Unis) et sa rencontre avec les organisateurs de celui-ci (apparemment fers de lance de la contre-culture texane, dont Austin se veut la plaque tournante) l'a décidé à venir y tourner son film. Une nouvelle preuve, si besoin était, de l'importance des festivals dans l'évolution et la propagation du cinéma, lieux de rencontres privilégiés et berceaux de projets toujours plus intéressants. On ne peut qu'être intrigué par cette ville aux multiples festivals (le Fantastic Fest donc, mais aussi le multi disciplines South by Southwest et le Texas Psych Fest) et QG du Monsieur grindhouse du sud des Etats-Unis : Robert Rodriguez. Parmi les films plus ou moins récemment tournés à Austin, on trouve des titres aussi variés que All The Boys Love Mandy Lane, Machete ou encore le dernier né des frères Cohen : True Grit ; preuve de la santé du cinéma dans la ville du capitole texan. De quoi donner l'envie d'aller traîner du côté du pays des cow-boys et de voir de quel bois se chauffe le public de l'Alamo Theatre, véritable institution locale.
Pour en revenir au film de Simon Rumley, il doit son titre aux trois couleurs du drapeau texan (insistant encore un peu plus sur l'importance de cet état dans l'histoire et l'ambiance du film, l'un des personnages principaux à d'ailleurs les frontières du Texas tatoué sur la peau), qui sont également celles du drapeau américain, dont le scénario prend l'Histoire violente récente comme point de départ. Red, White & Blue, c'est donc l'histoire d'une triple vengeance, et l'escalade brutale de personnages aveuglés par la haine de soi et des autres. Erica (Amanda Fuller, petit bout de fille qui dégage une dureté incroyable) couche ainsi avec tous les hommes qu'elle rencontre dans l'espoir de leur transmettre le virus du sida qu'elle porte en elle depuis son viol en bas âge. Le film débute donc par la chronique de son errance sexuelle sordide et meurtrière, au court de laquelle elle va croiser Franki (Marc Senter, que les lecteurs de Torso connaissent bien depuis le formidable The Lost), jeune rockeur en quête de reconnaissance. Tandis que ce dernier découvre le piège de la jeune fille, Erica se lie d'une amitié inattendue avec Nate (Noah Taylor, qui a remporté le prix du meilleur acteur pour sa performance), personnage détruit par les horreurs que l'armée lui a fait infliger aux autres et à lui-même. Ces trois personnages, incapables d'établir des relations saines avec les autres, semblent errer dans une ville fantomatique, carrefour de désaxés en tout genre et ou chacun porte en lui une part de monstruosité. On retrouve bien évidemment des thèmes chers à Jack Ketchum dans ce portrait d'un Amérique ensanglantée, à la société gangrenée par la violence et l'isolement affectif. Le rêve américain vu du côté des perdants, oubliés de la réussite individuelle et condamnés à une misère matérielle et sentimentale pathétique. Ces cousins sudistes de Travis Bickle sont traités avec le plus grand respect par la caméra d'un Simon Rumley qui se révèle aussi fin directeur d'acteur que metteur en image. Servi par un 35 mm tout en nuances, le cinéaste construit son histoire scène après scène, jouant habilement des ellipses pour suggérer une violence sèche et incontrôlable. Cette façon de faire monter le tension dramatique pour ensuite désamorcer les scènes de brutalité n'est d'ailleurs pas sans rappeler un autre petit bijou sudiste sortit trop discrètement dans nos salles il y a trois ans, le superbe Shotgun Stories de Jeff Nichols. Red, White & Blue est sans aucun doute un film dur, qui provoque un malaise certain et met à jour une facette peu enviable de la société américaine. Ce long-métrage raconte surtout une histoire profondément humaine, entre déchéance et colère aveugle, véritable quête d'humanité au cœur des ténèbres.
Dans un registre totalement différent, le High School de John Stalberg Jr. est venu apporter une touche de comédie adolescente bienvenue et complètement enfumée. Histoire loufoque d'un duo attachant et mal assortit (Sean Marquette, le stoner de service, et Matt Bush, en intello sage qui a fumé son seul joint de l'année au pire moment possible) qui se lance dans le projet délirant de mettre en orbite tout le lycée dans l'espoir de passer à travers les filets d'un test exceptionnel visant à éliminer les élèves adeptes du cannabis au lendemain de l'examen final. Blagues de circonstance et références culturelles fusent dans cette comédie au rythme déchaîné, rondement mise en boîte et emmenée par des acteurs en grande forme, le duo principal donc mais également des seconds rôles complètement inattendus et qui font figure de véritables coups de génie. Adrian Brody campe ainsi le rôle d'un dealeur hargneux et défoncé, tresses plaquées et tatouages partout sur le corps. On l'a rarement vu aussi méconnaissable et en forme. À l'opposé du prisme, on retrouve un Michael Chiklis (le Vic Mackey de The Shield) totalement transfiguré, affublé d'un postiche et fulgurant dans le rôle du Principal Gordon, personnage maniéré et excessivement rigide complètement dépassé par les événements. Au final, High School est une comédie stoner relaxée, gentiment provocatrice (on y fait quand même ingurgiter des quantités astronomiques de space cake à des centaines d'élèves innocents) et à la bonne humeur contagieuse. À placer bien au chaud sur l'étagère à côté des autres classiques du genre, quelque part entre How High et La Main Qui Tue. Un film définitivement sous influence, à regarder de préférence avec des potes et un pack de bières, sous influence ou pas.
Les cinématographies d'outremers proposaient également des films de pays inattendus, ou pour le moins au cinéma de genre moins exposé que d'autres.
Grosse déception avec le Wound du néo-zélandais David Blyth, œuvre très expérimentale tentant de faire partager au spectateur la névrose avancée d'une jeune femme au passé confus. En découle un film décousu et sans attrait, sorte de maelström d'images sans fil conducteur. Le plus gros défaut du film reste sa photographie très pauvre, dont résulte ainsi un film moche, ennuyeux et vainement provocateur.
Plus léger, The Loved Ones de l'australien Sean Byrne narre l'histoire d'un teenager séquestré et persécuté par une camarade de classe et son père, tous deux des assassins psychopathes. Ce petit film sans prétention s'avère plutôt efficace, surtout lorsque Byrne mélange habilement les genres, passant avec souplesse de la comédie adolescente au drame psychologique, puis au thriller teinté de fantastique. Très bien écrit et interprété (en premier lieu par Robin McLeavy, qui se déchaîne dans le rôle de la jeune fille sadique, minaudant à outrance pour créer un personnage tristement pathétique), le film pèche un peu par son manque d'originalité, les situations étant toutes relativement déjà vues et le poids des influences se faisant parfois un peu trop lourdement sentir. On a en effet du mal à ne pas deviner l'ombre écrasante de Massacre à la Tronçonneuse sur les nombreuses scènes de persécution, et le métrage de Sean Byrne supporte évidemment mal la comparaison. Reste que The Loved Ones est un bon petit film de genre, devant lequel on ne s'ennuie pas et qui rafraîchit par son honnêteté.
Dans la catégorie au-dessus, véritable ovni présenté à la dernière Quinzaine des Réalisateurs du dernier Festival de Cannes, We Are What We Are du mexicain Jorge Michel Grau reste l'une des très bonnes surprises du festival. Déjà car on voit trop rarement des œuvres fantastiques émerger des pays d'Amérique Centrale, ensuite parce que ce petit film dont on devine le budget anémique est d'une intelligence rare et d'une subtilité parfaitement maîtrisée. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si l'on a comparé ce film avec le Morse de Daniel Alfredson (longuement commenté dans nos colonnes). En effet, il partage avec ce dernier une approche totalement originale du film de genre, ancré dans un réalisme social rigoureux et sensible. Il est question ici d'une famille de cannibales qui doit se trouver un nouveau chef de clan après le décès soudain du patriarche, jusqu'alors pourvoyeur de chair fraîche. Mais loin du grand guignol associé au genre, le cinéaste choisit de se centrer sur les conflits internes de la famille et ancre son récit dans les rues délabrées d'une Mexico crépusculaire. Superbement filmé et interprété avec justesse (une mention spéciale pour les deux interprètes féminines du film, Miriam Balderas et Carmen Beato, toutes deux excellentes dans des registres opposés), le film de Jorge Michel Grau se place dans cette catégorie d'œuvres difficilement cernables, à la lisière du genre et au-delà des conventions. Petit bijou qu'on ne verra probablement jamais sur nos écrans, We Are What We Are laisse entrevoir – comme Morse avant lui – la possibilité d'un cinéma fantastique mature et solidement ancré dans les réalités sociales de son époque.
Pour conclure ce tour du Monde en quarante et quelques films, gros plan sur quelques-uns des films présentés dans la section « Documentaries From The Edge » de cette édition 2010 de Fantasia.
Honneur au régional de l'étape, avec Under The Scares du québécois Steve Villeneuve, regard d'un jeune réalisateur sur le cinéma d'exploitation qu'il affectionne tant et au sein duquel il a déjà fait quelques armes. Villeneuve est partit à la rencontre de personnalités diverses officiant dans les marges du cinéma commercial, interviewant des dizaines de cinéastes, acteurs, producteurs et autres screem queens. De John Waters à Frank Henenlotter, de Trauma à Rue Morgue, le cinéaste donne la parole à tous ceux qui font vivre ce cinéma décalé et le plus souvent fait avec des bouts de ficelle par des passionnés décomplexés. Le film manque cependant de la rigueur qui aurait pu lui permettre de proposer une véritable thèse, se cantonnant un peu trop à des productions trop underground, voire carrément Z, plutôt que de chercher en quoi cette absence de moyens financiers peut offrir une telle liberté de ton. Un peu brouillon, Under The Scares a quand même la belle singularité d'offrir la parole à des oubliés de l'industrie cinématographique, qui chacun à leur façon proposent des manières alternatives de produire des films hors des grands circuits de distribution. On ne peut que soutenir la démarche, spontanée et définitivement honnête.
Toujours du côté d'un cinéma d'exploitation pur et dur, mais en dessous de la frontière cette fois, le très attendu Herschell Gordon Lewis – The Godfather of Gore, co-réalisé par Frank Henenlotter et Jimmy Maslon. Commençons déjà par préciser que la séance tardive de ce documentaire était présentée par Henenlotter, Maslon et Herschell Gordon Lewis en personne, vieillard goguenard qui a sidéré la salle (malheureusement à moitié vide) lorsqu'il s'est mis à entonner l'hymne de 2000 Maniaques pendant plusieurs minutes. Un moment d'anthologie. Le film, qui faisait sa première mondiale à Fantasia, se veut un véritable hommage à celui qui est donc considéré comme l'inventeur du cinéma gore, et un enthousiaste plaidoyer pour la redécouverte de ce cinéma bis que Henenlotter et comparses ne cessent de dépoussiérer depuis des années avec la maison d'édition Something Weird Video (qui co-produit par ailleurs le film). On y découvre les débuts de Lewis dans les nudies, ces films qui avant l'explosion de la pornographie dans les années soixante-dix faisaient figure de provocation en montrant des personnes dans le plus simple appareil, se baladant nonchalamment sur des plages naturistes et occupés à d'autres activités innocentes. Les anecdote cocasses des premiers tournages gores pleuvent au fur et à mesure que Jimmy Maslon (Henenlotter ne s'est occupé que du montage) donne la parole à ceux, souvent amateurs, qui ont été embarqués dans les aventures cinématographiques marginales de l'hyperactif bricoleur Lewis. Au-delà des œuvres finalement assez oubliables du parrain du gore, on retiendra surtout cette époque de transition cinématographique, à l'aube de la révolution des mœurs de la fin des années soixante, qui aura vu naître une des branches les plus exploitées du cinéma populaire. Ou comment l'explosion de la sexualité crue à l'écran a correspondu à l'exposition des viscères au centre de l'image, lorsque la chair est soudain devenue filmable et que l'anatomie s'est exhibée avec outrance sur le grand écran. Un moment clé de l'histoire des images sur lequel les cinéastes nous proposent un regard original, à travers le cas particulier d'un personnage à l'influence incontestable. Une nouvelle fois, l'amour inconsidéré de la bande à Henenlotter pour ce cinéma d'exploitation d'un autre temps, ce fameux cinéma de la 42ième rue, éclate à l'écran pour le plus grand bonheur des aficionados d'une histoire alternative du cinéma. Gros bémol tout de même, on sent que la bande de potes derrière le film, si attachante qu'elle puisse être, se complait un peu dans une remémoration amusée des anecdotes cocasses propres à ce genre de productions, tandis qu'on aurait préféré une analyse plus distanciée et sérieuse du phénomène. Le film est un peu long car trop répétitif.
À noter que le classique Blood Feast, qui a marqué le coup d'envoi du cinéma gore par Herschell Gordon Lewis en 1963, était projeté dans la foulée pour les courageux restés bien au-delà des heures ouvrables montréalaises. Force est de constater que le film a atrocement vieilli et s'avère être une série B, voir Z, désuète et plutôt ennuyeuse. Le film reste un jalon important qui aura eu un impact profond sur le reste de l'industrie cinématographique, démontrant une fois de plus la formidable faculté du cinéma américain à prendre la source de ses innovations dans les branches les plus marginales de sa production.
Quand à lui solidement ancré dans une réalité tout ce qu'il y a de plus atroce, Feast Of The Assumption : BTK And The Otero Family Murders de l'américain Marc D. Levitz s'attaque à un sujet très sensible en allant à la rencontre des survivants d'un terrible massacre qui a marqué le Kansas et l'Amérique toute entière. C'était le 15 janvier 1974, lorsque le tout jeune Charlie Otero (15 ans) a retrouvé ses parents et sa sœur horriblement massacrés par celui qui allait devenir le tristement célèbre BTK, tueur en série responsable de 10 meurtres entre 1974 et 1991. Levitz suit Charlie Otero, 49 ans, dans sa tentative de réinsertion (après un passage par la case prison) et son cheminement de victime survivante d'un tel drame. Le film va prendre une tournure inattendue lorsque Dennis Rader est finalement arrêté plus de 30 ans après les faits. Charlie et les siens (sa petite sœur et son petit frère ont également survécus) vont donc devoir faire face à celui qui a changé leurs vies à jamais à travers un procès long et médiatisé, et tenter d'en ressortir en paix avec leur passé. Le film, qui comporte des images d'une crudité choquante (des photos des lieux du meurtre sont montrées lors du procès et le cinéaste ne nous les épargne pas), repose sur un équilibre très instable entre une sincérité véritable et un voyeurisme complaisant dans lequel il réalise l'exploit de ne jamais tomber. Probablement grâce à l'affection que le cinéaste semble porter pour Charlie, homme massif qui porte encore en lui le petit garçon traumatisé auquel il ne peut échapper. Portrait de personnages bien réels aux émotions à vifs, traumatisés et marginalisés par leur expérience extrême et inimaginable, Feast Of The Assumption plonge au cœur d'un ouest américain marqué par une histoire parsemée de violences extrêmes (on notera que Charlie fait de nombreuses fois référence à la version cinématographique de De Sang Froid, dont la vision aurait inspiré le meurtrier, et dont les événement tirés eux-mêmes de faits réels se déroulent également au Kansas), et découvre finalement la profonde humanité de ces hommes et femmes à qui on a refusé le droit de vivre une vie normale. Charlie n'est autre qu'une personnification du combat quotidien d'un homme pour continuer de vivre malgré les horreurs de son passé, la quête désespérée de normalité d'un homme blessé dans sa plus tendre enfance et qui porte en lui des cicatrices qui ne se refermeront jamais vraiment. La scène où Charlie retrouve son ex-femme et le fils handicapé qu'il a cru perdre, et le bonheur qui semble se dégager de ces instants d'une simplicité déconcertante, vient conclure le film de la plus délicate des manière, sur une note d'espoir fragile. Un pur moment de cinéma.
Enfin mais pas des moindre, le public déchaîné de Concordia en a eu pour son argent lors de la projection du rockumentaire Lemmy, déclaration d'amour total pour le charismatique leader de Motörhead : Lemmy Kilmister. Si les deux cinéastes Greg Olliver et Wes Orshoski sont ouvertement fans, leur film n'en est pas moins une plongée honnête dans l'univers hétéroclite de cette légende vivante considérée comme l'un des pères fondateurs du heavy metal. Lemmy revient donc sur les quarante années de carrière de ce monstre sacré du rock, depuis ses débuts dans les campagnes du Royaume Unis jusqu'à la consécration tardive avec Motörhead, en passant par les agitées années Hawkwind. On reste ébahi devant l'honnêteté du personnage, aux goûts parfois très particuliers (sa réponse à la question inévitable sur ses choix vestimentaires discutables pourrait résumer le film et le personnage) et à la philosophie définitivement extrême. À 65 ans, Lemmy continue de hurler sa rage au micro, à labourer sa basse et à rythmer son quotidien par un cocktail explosif de Jack Daniels et d'amphétamines qui aurait du mettre fin à sa vie il y a bien longtemps. C'est ça Lemmy, un type plus vrai que nature, sorte d'indestructible qui inspire le respect aux plus grandes stars du rock (il fallait entendre le public jubiler aux innombrables apparitions des grands du rock à l'écran) par son dévouement à la musique et son mode de vie inchangé malgré les années et le succès. Il faut dire que Lemmy vit toujours dans son petit appartement bordélique de Los Angeles, fréquente toujours le même bar et continue de collectionner d'obscurs articles relatifs à la seconde guerre mondiale. Lemmy, c'est la plus grande idole de votre plus grande idole (en tout cas si vous êtes fan de Metallica). Et force est de constater qu'on ne peut qu'être contaminé par l'enthousiasme des cinéastes pour ce personnage haut en couleur, strictement authentique car égal à lui-même et dénué de toute hypocrisie. Une fois les lumières rallumées, on n'a qu'une seule envie : voir la bête sur scène.
On ne peut tirer qu'un bilan très positif de cette édition 2010 du Festival Fantasia. Impressionnant de santé, le festival draine un public impressionnant (plus de 100 000 spectateurs en 2010), surtout au regard de sa durée et de l'ampleur et la diversité de sa programmation. Preuve que le cinéma de genre possède un vrai public, prêt à se déplacer pour ce type d'événement référence. Les professionnels sont aussi au rendez-vous, puisque quasiment toutes les séances sont présentées par au moins un membre de la production : cinéastes, scénaristes, acteurs, producteurs, etc. C'est cette ouverture vers les spectateurs – pour laquelle Fantasia est particulièrement réputé – qui fait la grande force du festival. On sent un véritable dialogue s'instaurer entre les créateurs et le public (toujours invité à poser des questions après la séance), et la compréhension des œuvres en est grandement enrichie. La philosophie qui s'en dégage semble être que le cinéma appartient à tout un chacun, cinéastes et spectateurs, et que chacun à son rôle à jouer dans le renouvellement et l'évolution de la production cinématographique.
Le festival est aussi incroyablement ouvert sur le monde, accueillant des films et des auteurs des quatre coins du globe, et n'hésitant pas à convoquer des journalistes et des experts d'outremers pour analyser les films et faire partager leur savoir. L'étendue de la programmation est telle qu'en ayant vu plus de quarante films, on peut encore passer à côté du Grand Prix (Sawako Decides du Yûya Ushii), mais la compétition n'est de toute façon pas la raison d'être principale de Fantasia, et n'est finalement que très peu mise en avant (il n'y a d'ailleurs pas de sélection officielle et les films sont répartis par thématiques). En plus de la grosse centaine de long-métrages présentés chaque année, le festival propose plus de deux cents courts-métrages, et un gros plan est fait sur la production locale avec le Week-end du Court Métrage Québécois, donnant ainsi l'occasion à des jeunes cinéastes de se distinguer sur la grande scène. Enfin, la vision très large du concept de cinéma de genre du Festival Fantasia est particulièrement rafraîchissante : thriller, fantastique, comédie, drame, animation, arts martiaux, science-fiction ou bien évidemment horreur pure ; c'est finalement le cinéma dans tout ce qu'il a de plus populaire qui est mis en avant. La programmation se démarque aussi par cette envie évidente de mettre en avant les œuvres ambitieuses et délicates, abordant des sujets difficiles et allant à contresens de la production grand public. Mais le festival s'impose finalement comme un incroyable lieu d'ouverture d'esprit, où peuvent être projetés sans distinction des films aussi différents que A Serbian Film ou Scott Pilgrim Vs The World ; il en faut pour tous les goûts et tous les publics. C'est ce que semble avoir compris l'équipe du festival, dont la passion communicative s'illustre à chaque présentation de film, et à laquelle répond l'énergie d'un public incroyablement enthousiaste, bien conscient d'être privilégié et d'avoir accès à un événement aussi jouissif qu'exceptionnel. Unique au monde, sans aucun doute ; à faire au moins une fois pour tous les passionnés de cinéma de genre ; de cinéma tout court.
Retour rapide sur le palmarès de cette édition 2010 du Festival Fantasia :
PRIX DU JURY LONG METRAGES :
Meilleur film : Sawako Decides de Yûya Ushii – Japon.
Prix Spécial du Jury : Castaway On The Moon de Lee Hae-jun – Corée du sud.
Meilleure Actrice – à l'unanimité : Hikari Mitsushima dans Sawako Decides – Japon.
Meilleur Acteur : Noah Taylor dans Red, White & Blue – Etats-Unis.
Meilleur Réalisation : Lee Jun-ik pour Blades Of Blood – Corée du sud.
Meilleur Scénario : Mladen Djordjevic pour Life And Death Of A Porno Gang – Serbie.
PRIX DU JURY PREMIERE ŒUVRE :
Meilleur Premier Film : Tucker & Dale Vs Evil de Eli Craig – Canada.
Mention Spéciale : A Serbian Film de Srdjan Spasojevic – Serbie.
Rendez-vous sur le site officiel du festival pour découvrir la totalité des nombreux prix décernés à l'occasion de cette 14ième édition (Prix du Jury Animation, Prix du Jury Courts Métrages Internationaux, Prix du Jury Courts Métrages Québécois, Prix du Jury Courts Métrages Québécois DIY, Prix AQCC, Prix Séquences et Prix Ecran Fantastique) et anticiper déjà sur la prochaine édition du festival, qui se tiendra à Montréal en juillet 2011.