The Violent Kind
The Violent Kind (USA - 2010)
Réalisation/Scénario : The Butcher Brothers
Interprétation : Cory Knauf, Taylor Cole, Bret Roberts |voir le reste du casting
Auteurs d’un petit film de vampires plutôt original (The Hamiltons, 2006), les autoproclamés frères Bouchers (à la ville, Mitchell Altieri et Phil Flores) avaient de quoi inquiéter avec cette histoire de gang de bikers promis à un huis-clos horrifique.
L’affiche ne rassurait pas tellement, puisqu’elle annonçait un film brutal et réaliste, loin de l’étrangeté fantastique de leur premier essai. Et le début du long-métrage semble hélas bien fidèle à sa promotion. Une bande de motards patibulaires déclenchent une baston pour s’amuser, instaurant un climat initial de violence sans objet, le générique allant jusqu’à singer celui du Devil’s Rejects de Rob Zombie. On tombe donc dans une sorte de prostration initiale qui nous fait craindre l’heure et demie à venir, et la descente aux enfers brutale et voyeuriste attendue ; les deux cinéastes montrant très vite une posture de démonstration glorificatrice à l’encontre de ses anti-héros, fustigés comme de pathétiques monstres ordinaires.
Le premier revirement bienvenu surgit alors que l’on suit l’un des membres du gang, visiblement bien peu à sa place dans cet univers de violence continue et désespéré. S’ensuit, tout au long d’une soirée durant laquelle notre joyeuse bande met autant de ferveur à s’amuser et à se saouler qu’elle en avait à se battre, la mise en place de ce personnage perdu entre l’incompréhension de cette famille ontologiquement violente qui l’a vu naître, et l’impossibilité franche de s’évader de l’univers dans lequel il est inscrit malgré lui. Les personnages, à cet instant, n’opèrent pas le moindre revirement mais acquièrent, grâce à notre « héros », l’aura tragique d’un destin qu’ils n’auront pas choisi.
Cette micro-tragédie enclenche alors le second retournement d'un film qui se transforme en cauchemar fantastique s'acheminant progressivement vers une farce apocalyptique. L'être humain n'étant devenu que l'ombre agressive et destructrice de lui-même, il est temps qu'il disparaisse au profit de son pur négatif, un lui-même en tant qu'être violent. « The violent kind » succédant, dans une évolution prophétique, à notre genre humain (« human kind »). Ainsi, après avoir exploré un certain nombre d'ouvertures fantastiques, le film devient le huis-clos attendu, même s'il s'exprime d'une manière inattendue : The Violent Kind devient alors brutalement un film surréaliste et sauvage, contaminé par un virus baroque et maniériste faisant planer l'ombre de James Dean, David Lynch ou plus récemment de Chris Sivertson. Une articulation en mode mineur de différents décalages achève de dessiner les contours d'une apocalypse rockabilly et fantômatique qui, si elle tourne un peu en rond au bout d'un certain temps, fait germer l'une des plus belles idées du film : nos personnages (du moins ce qu'il en reste) se retrouvent séquestrés et attachés par trois mystérieux assaillants au look de rockers fifties. Un leader squelettique et hilare, son bras droit psychopathe et un grand type amorphe au crâne chaussé du petit casque d'un baladeur. Lorsque les victimes implorent ce dernier en jouant sur son apparente différence avec le reste de sa bande (nouveau motif négatif de notre héros, lui aussi censément différent du cercle dans lequel il évolue), il ôte ses écouteurs et les tend à l'une des jeunes filles captives. Et ce qu'elle entend (et nous avec) est stupéfiant, inattendu et abyssal : elle écoute le bruit sourd et continu d'un vide infernal.