Insidious (USA – 2010)

Réalisation : 

Scénario : 

Interprétation :  voir le reste du casting

 

Le quatrième film de James Wan, auteur du sympathique premier épisode de Saw et des inégaux Dead Silence et Death Sentence, convoque instantanément plusieurs manières d'aborder le genre au cinéma, croisées aux trois coins du monde. A la fois fable cauchemardesque à la construction linéaire très américaine (Wise, Hooper), suite de numéros autonomes à l'Italienne (Bava, Ferroni) et laboratoire horrifique japonais (Nakata, Shimizu), Insidious est surtout l'occasion pour son réalisateur de jouer avec ce qui semble le hanter depuis son premier film : les cauchemars enfantins d'un petit garçon occidental. Se déchaînent alors, au fil d'un scénario un peu niais (pourtant parti de l'idée, très belle, de la correspondance entre rêves d'enfants et refoulements émotionnels d'adultes) et d'une mise en scène plus ou moins inspirée selon les séquences, un bric-à-brac de références cinéphiliques, religieuses ou tout simplement populaires.

insidiousAinsi, ce qui pourra passer pour une suite d’idées au choix incongrues ou carrément ridicules (un farfadet danse au son d’une vieille chanson crépitante, un diable rouge à langue fourchue côtoie une vieille sorcière pustuleuse, etc.) peut tout aussi bien, pour peu que l’on se laisse aller au jeu parfois étourdissant et forcément inégal du train fantôme, impressionner sacrément. Des plans larges et joliment cadrés où l’on cherche inlassablement une menace tapie dans l’ombre, un surgissement fantastique d’une silhouette qui fait des aller-retours sur un balcon et, par un infernal jeu de hors-champ, passe d’un aller extérieur à un retour intérieur, et jusqu’à la machine infernale finale où l’on se retrouve au cœur d’un cauchemar brumeux et baroque, le film ne manque pas d’idées tordues pour faire bondir le spectateur sur son siège.

Mais, là où il impressionne carrément, c'est pendant quelques instants expérimentaux centralisés sur le point de vue du sujet rêvant et de ses objets menaçants. Un très beau travelling suit de l'intérieur, après qu'on a entraperçu la silhouette du petit farfadet au détour d'un élément du décor (figure empruntée aux Frissons de l'angoisse), l'héroïne qui sort et s'inquiète. On la voit à travers la fenêtre, qui cherche (comme nous) ce qui la menace, jusqu'à un terrifiant regard lointain vers le spectateur, qui se retrouve du coup littéralement à côté de la silhouette que l'on vient de passer et qu'elle a senti. Autre exemple : pendant une séquence à priori convenue de spiritisme, le champ offre une quantité étourdissante de points de vue de l'esprit de l'enfant rêvant, par l'entremise de la voyante qui le convoque, à travers un masque à gaz qui sert immanquablement de filtre à certains plans. L'idée finale du négatif de la maison, où l'on se promène dans son envers cauchemardesque, offre aussi une succession d'attractions fantastiques et horrifiques où l'on peut remercier le scénariste et le metteur en scène de ne pas faire de ses monstres une évocation fantômatique liée au passé du lieu hanté, mais simplement de pures figures de cauchemar, sans implication narrative évidente.

Malheureusement, le script sait aussi être bavard et rationnaliser inutilement une série d’autres figures ayant une emprise directe sur les personnages. Du coup, le diablotin rouge, en tant qu’entité maléfique franche et clairement positionnée théologiquement, déçoit par sa sortie d’un cadre jusqu’ici fantasmatique. On peut aussi déplorer un laisser-aller esthétique plus qu’évident au fil de séquences où Wan peine même à réaliser un champ-contrechamp cohérent.

Pour autant, le voyage infernal qu’il propose comporte son lot d’idées convaincantes, qu’il faudra piocher comme on choisirait instinctivement l’attraction du train fantôme que l’on préfère, en oubliant les autres, plus faibles et moins efficaces. Insidious est loin d’être un film maîtrisé et pensé dans son ensemble, mais peut déchirer à plusieurs instants l’âme forcément sensible d’un spectateur qui, un jour, enfant, a lui aussi cru apercevoir, derrière, le drap du berceau de sa petite sœur, une sombre silhouette d’apparence humaine qui se serait infiltrée, sans que personne ne s’en soit rendu compte, dans le rassurant confort quotidien de sa maison.

insidious 1

Submit to FacebookSubmit to Google PlusSubmit to TwitterSubmit to LinkedIn

Ajouter un Commentaire


Code de sécurité
Rafraîchir