Necronomicon (USA/France/Japon - 1993)

Réalisation : Brian Yuzna, Christophe Gans, Shûsuke Kaneko

Scénario : Brian Yuzna, Christophe Gans, Shûsuke Kaneko, Brent V. Friedman d'après H.P. Lovecraft

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Howard Philip Lovecraft est un homme étrange. Un type un brin inquiet, le genre à jeter derrière lui de longs regards exorbités lorsqu'il fait les quelques pas qui séparent son taxi de la bibliothèque dans laquelle il se rend. Bien sûr, les bibliothécaires qui tiennent l'établissement ne sont pas des ménopausées à haut chignon mais des sortes de moines arabes adeptes du piercing, mais quand même...

Il faut dire qu'il est sur le point de consulter le fameux Necronomicon, ouvrage interdit qui contient, nous dit le film, l'essence de tous les récits de l'écrivain américain. Des histoires qu'il se serait donc contenté de lire et de retranscrire, dont l'anthologie produite par Samuel Hadida et Brian Yuzna va nous donner trois exemples.

Necronomicon

The Drowned, le premier segment, est supposé être une adaptation de la nouvelle Les Rats dans les murs, mais son réalisateur et scénariste Christophe Gans prend quelques libertés avec le matériau d'origine: après tout, rien ne nous dit que Lovecraft n'ai pas eu quelques trous de mémoire au moment de coucher sur papier ses lectures interdites. Le film conte l'histoire d'Edward De La Poer, qui hérite d'un hôtel dans lequel, il l'apprend bien assez tôt, son aïeul avait ressuscité femme et enfant au moyen du Necronomicon. Gans, comme s'il craignait de ne plus jamais réaliser un film, décide de transformer son œuvre en une sympathique bouillabaisse filmique regorgeant d'influences plus ou moins explicites, The Drowned lorgnant dangereusement du coté de Bava, Fulci, Carpenter ou Corman. Si le récit laisse d'abord craindre un certain formalisme, il se déchaine dans sa dernière partie en un festival très plaisant de tentacules, de transformations, d'horreurs cyclopéennes, de hurlements, d'éclairages colorés et de gerbes de sang. Tandis que chez Lovecraft les apparitions de monstruosités dépassant l'entendement convoquent toujours l'idée d'une métaphysique désaxée et terrible, Gans comprend bien que son cinéma se doit d'abord d'offrir une jouissance un brin oubliée: celle du grand déballage de latex. Le spectateur, ici, veut avant tout voir, saisir par le regard ce qui, justement, était insaisissable et indicible. Le réalisateur français s'en donne alors à cœur joie en filmant plein cadre un avatar de Grand Ancien caoutchouteux et hurlant.

Necronomicon 2

La suite, The Cold, due au réalisateur Shu Kaneko, est malheureusement un cran en dessous du segment de Gans en ce qui concerne le déploiement d'effets spéciaux délirants. Il s'agit d'une transposition du terrifiant Air Frais, un récit que l'on imaginait assez mal au cinéma. Nos craintes sont hélas confirmées: le scénario s'autorise d'inintéressantes circonvolutions autour du propos de base – tandis que celui du Gans se permettait des ajouts cinématographiques autant que cinéphiliques – et les acteurs, visiblement un brin largués, interprètent leurs personnages avec l'emphase d'étudiants en théâtre en pleine production de fin d'année.

Quand tout va mal, Brian Yuzna est là ! Le roublard réalisateur/producteur, qui devait se rendre compte que l'entreprise déraillait un brin, redouble d'efforts pour adapter assez librement lui aussi Celui qui chuchotait dans les ténèbres sous le titre Whispers. Yuzna y retrouve la puissance surréaliste du cauchemar californien Society, et livre un véritable film coup de poing, une déclaration d'amour aussi sincère qu'agressive au latex. L'argument de Whispers est simple: mettre en images le type de songes qui vous empêchent de vous rendormir. Et le pire, c'est que ça marche ! Le film, d'abord simplement troublant, se transforme progressivement en une longue cascade d'images hallucinées. Si, comme nous le disions, les effets spéciaux physiques y sont aussi omniprésents que dans le segment de Gans, Yuzna parvient à franchir un pallier esthétique en obligeant son spectateur à opérer une tension entre plaisir et horreur. L'origine des images, dès lors, devient un point de fuite lointain, l'on se concentre sur les apparences... et celles-ci sont aussi grotesques que terrifiantes! Yuzna creuse avec succès un sillon singulier de l'adaptation lovecraftienne, sillon qu'il partage avec le Stuart Gordon de Re-Animator ou Dagon.

On ne peut donc que conseiller à l'amateur de l'écrivain de Providence de jeter un œil sur ce Necronomicon qui nous offre, et ce n'est pas la moindre de ses qualités, deux approches bien différentes d'une technique (le latex) un brin désuète de nos jours, et pourtant si porteuse lorsqu'il s'agit de faire jouer dans le même temps monstration... et évocation.

Necronomicon 3

 

 

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