La lame infernale
La lame infernale (Italie - 1974)
Réalisation : Massimo Dallamano
Scénario : Massimo Dallamano, Ettore Sanzò
Interprétation : Giovanna Ralli, Claudio Cassinelli, Mario Adorf | voir le reste du casting
Les cinéphiles ayant eu la chance de visionner Mais qu'avez-vous fait à Solange ?, excellent film policier mis en scène par Massimo Dallamano, ne pouvaient que trépigner en apprenant la sortie sur le sol français de la suite officieuse de ce jalon du cinéma de genre italien, La lame infernale (La polizia chiede aiuto). Si The Ecstasy of Films, nouveau venu dans le petit monde de l'édition dvd, a jeté son dévolu sur ce film pour ouvrir son catalogue, ce n'est certainement pas par hasard: La lame infernale est l'un des gialli encore inédits les plus désirés sur ce support en France. Alors, qu'en est-il vraiment: le film est-il au niveau des attentes qui l'entourent ?
Le film s'ouvre sur une scène de crime à l'ambiance poisseuse: sous des combles, dans un petit studio, une adolescente nue est retrouvée pendue. La porte fermée pourrait laisser croire que le film va s'orienter vers un classique mystère de la chambre close, mais ce serait mal connaître Dallamano. Ce dernier, en effet, va privilégier un portrait élargi de la société italienne a la construction d'un simple puzzle policier. La chambre dans laquelle la jeune femme, on l'apprend vite, se livrait à d'interdits ébats sexuels, n'est que le centre de la spirale que va brosser Dallamano, une spirale en laquelle vont surgir les silhouettes de policiers désabusés, de jeunes femmes perverties, de notables impotents et de ministres vicieux. L'ambition du réalisateur le mène à laisser de coté les scènes de meurtre baroques qui font d'ordinaire le bonheur du fan de giallo, et à privilégier une ambiance oscillant entre réalisme et saillies névrotiques. On passe ainsi régulièrement de scènes d'enquête soigneusement posées à d'étouffantes poursuites dans la lumière bleutée de couloirs d'hôpital, de discussions violentes dans le bureau du procureur en rencontres fondées sur les regards et le non-dit.
Dans cet assemblage complexe, la rigueur du montage d'Antonio Siciliano et la musique extraordinaire de Stelvio Cipriani s'accordent parfaitement pour relancer constamment le film, au gré de variations infinies sur la rencontre de quelques notes obsédantes avec des images d'une apparente simplicité. Dans La lame infernale, la musique est souvent utilisée sur des segments assez courts, comme un écho, un rappel. Si elle donne souvent le souffle nécessaire à une narration tortueuse, elle est parfois utilisée comme contrepoint, notamment dans une extraordinaire séquence de confessions durant laquelle des accords cristallins se font soudainement vénéneux tandis que le propos gagne en noirceur.
La lame infernale, audacieuse rencontre entre les deux écoles du film policier italien – giallo et poliziotescho – donne une impressionnante leçon de maitrise tout en évitant soigneusement les poncifs des genres, surprenant constamment son spectateur. Le dvd présente le film dans une copie plus que correcte, sans le moindre saut qualitatif que ce soit sur le plan de l'image ou sur le plan sonore. Il offre en bonus, pour ceux qui choisiront l'édition collector, une série d'entretiens, un court-métrage rendant hommage au giallo, ainsi que les bandes-annonces des futures sorties de The Ecstasy of Films. Là encore, que du bon, puisque sortira dans un premier temps Torso (oui oui oui, Torso, le film dont on a pompé le titre, le psychotronique délire terminal de Sergio Martino) puis La Guerre des Gangs, film policier agressif de Lucio Fulci. On ne peut que se réjouir, espérer que la copie de Torso sera meilleure que celle de l'assez foireux dvd rosbeef, et attendre avec impatience les titres suivants de The Ecstasy of Films, qui semble bien parti pour reprendre le glorieux flambeau de Neo Publishing.
PS:
D'ailleurs, tant qu'on y est, et au cas où les responsables de la boite nous lisent, voici mon top 5 des films ritals inédits que je voudrais voir débarquer en dvd français. Quoi on s'en fout? Mais je fais c'que je veux!
1. Una sull'altra de Lucio Fulci
2. La morte ha fatto l'uovo de Giulio Questi
3. La casa nel tempo de Lucio Fulci
4. La notte che Evelyn usci della tomba d'Emilio Miraglia
5. La venere d'Ille de Lamberto et Mario Bava