Peur bleue (USA - 1999)

Réalisation :

Scénario : Duncan Kennedy, Donna Powers, Wayne Powers

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Les plus beaux moments d'hilarité « autre » débarquent souvent à la manière de vaisseaux extra-terrestres, c'est-à-dire de façon complètement inattendue, brut, et en balançant la sauce avec outrance, quitte à surprendre exagérément le spectateur égaré. Ainsi, si beaucoup d' « ofnis » autoproclamés « énormes délires assumés » n'ont de dérisoire que leurs qualités (Dead Snow et son second degré potache complètement à la ramasse), d'autres œuvres rayonneraient davantage dans les soirées festives, par leur statut réellement audacieux et kamikaze, ce petit vent libertaire qu'ils apportent. C'est clairement le cas de Peur Bleue, ce film impossible (Harlin se débattait incessamment durant la conception entre faux et vrais requins), assassiné d'avance (passant entre les mains des scénaristes de Sniper et de Mortelle Saint-Valentin), à l'atout marketing encombrant (LL Cool J, qui va jusqu'à s'accaparer le générique de fin !) mais qui finalement s'impose comme un braquage filmique.

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Tout à fait, un joli hold-up ! Il s'agit de l'intrusion forcée de cet état d'esprit réjouissant qui est celui des potacheries de cinéma bis, cette philosophie altruiste qui braque ici et finit par contaminer...le terrain balisé et propret du blockbuster. Tous les moyens sont bons pour jouer au pirate : pénétrer dans le système classique (stars holywoodiennes, machine éléphantesque à effets spéciaux, production onéreuse, stéréotypes fourmillants) et s'en amuser, en proposant de la générosité cathartique, une explosion des enjeux attendus, une progression en forme de massacre continuel, de la mort en forme de cartoon live. Harlin est un amateur des concepts époustouflants plus grands que la vie : un flic est en pleine bastonnade sur un avion en marche (Die Hard 2), une icône de l'actionner affronte la Montagne (Cliffangher) on patauge dans le sanglant (Prison) et l'on contemple le sublime typique des productions Joel Silver (Les Aventures De Ford Fairlane). Peur Bleue lui permet de mettre en avant ses fantasmes d'entertainer rigolard, croisement entre le chef d'orchestre professionnel (garantissant l'attention du public non sans omettre les électrochocs) et le gosse s'amusant à détruire ses jouets sans penser aux autorités parentales, comme le ferait de façon plus contemporaine un Michael Bay.

La fantasmagorie à la Harlin, c'est cette séquence improbable où les requins (modifiés génétiquement, donc carrément brillants et sadiques) attendent patiemment leur repas dans un bassin inférieur, alors qu'en hauteur une pluie de débris enflammés fait rage, multipliant de façon apocalyptique les dangers dans un même axe topographique. C'est cette outrancière explosion d'hélicoptère, qui pourrait tout aussi bien coller aux destructions « hénaurmes » d'un Roland Emmerich. Ou encore ce trépas absurde à la Bip Bip et Coyote, soit ce pauvre scientifique dont la main est arrachée par un requin, et dont le corps sera éclaboussé par une tempête, avant de chuter dans l'océan infernal, pour mieux être re-gobé par l'un de ces poissons vicelards qui jettera le cadavre émietté en plein sur une vitre afin de la briser, provoquant une énième catastrophe à l'allure biblique (excusez du peu !). Quand la machine est mise en marche, on ne peut pas l'arrêter.

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L'aiguille de l'horloge oscille, telle une pulsion schizophrène, entre FXs classieux (le requin de l'affiche, regardez le bien !) et effets visuels d'un rudimentaire qui tend au génie (le charcutage de Michael Rapapor, garanti à 100% The Asylum), thème musical atmosphérique et rap bruyant conclusif, clichés indénombrables, nourris parfois par un seul et même personnage (le cuistot sidekick black jamais drôle, accompagné d'un insupportable animal, et croyant en Dieu plus que tout), et libertés sanglantes à souhait. Les corps ne sont pas seulement démembrés, ils seront déchiquetés, mâchonnés, ingurgités, jusqu'à la dernière miette ! Et gare à la tête d'affiche, car, dans ce bain de sang, elle aussi risque de se transformer en simple bout de viande jeté par le chef Brody ! Le sempiternel instant sexy est d'une gratuité absolue et débarque comme le cadeau d'un généreux donateur, se souciant peu d'une certaine vraisemblance pour assurer les préceptes d'un Sam Raimi, soit le fameux dicton « fun and fears », et insister sur le terme de cinéma d' « exploitation ». Explicitement, le spectacle ne fonctionne que sur les réactions d'un public, qui sera forcément excité (oui, les scientifiques aussi portent des bikinis), sidéré (la mort de Samuel L Jackson devrait être étudiée dans les écoles de cinéma, dans le genre film fou), écroulé et jovial selon telle et telle scène, l'ensemble n'étant rien de moins qu'une série B de luxe (comme certains Stephen Sommers), où l'argent est bel et bien à l'écran, pour l'unique plaisir du cinéphile transi, où derrière ce qui pourrait être du sérieux dans la bêtise (la groupie de l'amie Jésus mérite plus de vivre que la scientifique mégalo) se dévoile une déclaration d'amour au cinéma que l'on chérit, ce cinéma décomplexé (jusqu'à plagier les finales des trois premiers Dents de la Mer) et un brin rock n roll. Si l'on passe sa scène de gobage frénétique au ralenti, l'on constate que Samuel L Jackson sourit comme un gamin, le temps de quelques secondes à peine. Quelle plus belle image pour illustrer l'état d'esprit général, similaire à une sortie top-cool dans un parc d'attractions ?

Passant de la fête des requins en folie à celle des bolides tonitruants filmés sous coke (Driven), le cinéphage dingue attend toujours le prochain véritable délire de Renny Harlin...

Peur bleue 3

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