Femme Fatale (USA - 2002)

Réalisation/Scénario : 

Interprétation :  Voir le reste du casting

 

Femme Fatale, de Brian de Palma, s'ouvre par une longue séquence nous présentant un vol ayant pour cadre le Palais des Festivals, à Cannes. Le film de Régis Wargnier, Est/Ouest, est sur le point d'être projeté à une salle comble. Dans les coulisses, la blonde Laure Ash et ses complices s'activent... 

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Le film s'ouvre sur un écran. Un écran sur lequel est projeté un visage fantomatique, celui d'un bel homme se dégageant des limbes. Un souvenir de cinéma... le Walter Neff du Double Indemnity de Billy Wilder, classique du film noir s'il en est. Un lent mouvement d'appareil arrière fait apparaître en surimpression celui, encore flou, de la belle Laure. Le mouvement d'appareil se poursuit, le film sur l'écran aussi. La femme fatale originelle, Phyllis, est le miroir dans lequel se reflète Laure, étendue sur un lit, Venus inversée. Un second personnage entre dans la pièce, un homme, Black Tie. Laure, reste d'abord immobile, le regard rivé sur l'écran, puis prend vie. Un jeu de vases communicants s'instaure entre le film et le film-dans-le-film: même dialogue en champs/contrechamps, même pièce plongée dans une demi-obscurité, mêmes rideaux tirés. En quelques plans langoureux, De Palma annonce la couleur: son film sera d'abord un rêve de cinéma, un rêve sur le cinéma, dans lequel toute surface pourra devenir plus que le lieu du fantasme, son écran.

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Black Tie tire le rideau. L'appartement se trouve juste en face du Palais. Un lent travelling nous fait passer de l'autre coté du miroir... puis, en sens inverse, nous amène dans une salle de contrôle, dans laquelle des agents font face à une multitude d'écrans, couvrant sous tous les angles possibles le Palais. Quelque-chose, pourtant, échappe à leur regard: sur le toit, un homme tout de noir vêtu s'introduit dans la tuyauterie du Palais. Les mouvements d'appareils ouatés de Femme Fatale sont autant le moyen de scruter le monde que d'en dévoiler l'envers. Plus que de l'image manquante, Femme Fatale est le film de l'excédent de fantasme.

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Sur les marches, Laure, devenue photographe, se trouve un alter-ego aussi brune qu'elle est blonde: Veronica, dont les belles formes sont renforcées par les lignes serpentines du bustier de diamant qu'elle porte. Laure lui tourne autour, la prend en photo, puis disparaît, remplacée par une caméra virevoltante. Regards caméra appuyés, emplis de désir, de Veronica.

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Un jeu avec le quatrième mur s'instaure, qui va culminer dans l'étreinte saphique entre Véronica et Laure. Les deux jeunes femmes sont emprisonnées entre quatre murs, comme les personnages du théâtre classique. Ces murs, qui sont en fait les vitres des toilettes du Palais des festivals, ont de bien curieuses caractéristiques. On voit à travers, mais ils ne sont pas invisibles : De Palma prend grand soin d'instaurer une alternance entre des plans installant son spectateur dans l'espace que partagent les deux jeunes femmes, et des plans nous plaçant de l'autre coté. Les vitres étant à-demi opaques, nous ne pouvons alors voir les corps que lorsque ceux-ci se collent contre les parois. Black Tie, accroupi, attend avec nous de l'autre coté de la cloison. Lorsqu'une des pièces de la parure de Veronica touche le sol, il la remplace par une copie... mais le vol, pour le spectateur, compte sans doute moins que l'étreinte.

Notre regard oscille donc entre deux états : une toute-puissance lui permettant de longer les formes sculpturales des jeunes femmes, de partager leur intimité, de croquer chaque détail de leurs corps de rêve ; et une vue atrophiée, opérante uniquement dans l'accident d'un trop près (le corps contre la vitre) qui est aussi trop lointain (puisque la vitre elle-même est gardée à distance). Cette alternance est encore complexifiée par l'intensification du rythme de croisement des différentes lignes narratives : on passe de plus en plus vite des deux femmes à l'homme en noir en train de s'infiltrer dans la tuyauterie du Palais, de l'homme en noir à ses deux comparses qui viennent de dérober la clef de la porte dérobée...

Code rouge. L'opération doit cesser.

Abruptement, les caresses et les baisers cessent. Qu'avons-nous vu vraiment? Que s'est-il vraiment passé entre les trois personnages? Dans la salle de spectacle, soudainement, la lumière s'éteint. Écran noir. Les spectateurs, désemparés, se lèvent, et tâtonnent dans l'obscurité. Laure quitte le Palais des Festivals. Un autre film peut (re-)commencer. Et pour connaître le fin mot de l'histoire, il faudra en attendre la conclusion.

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