Evil Dead (USA - 2013)

Réalisation : Fede Alvarez

Scénario : Fede AlvarezRodo Sayagues

Interprétation : Jane LevyShiloh FernandezLou Taylor PucciJessica LucasElizabeth Blackmore...

 

La découverte d'un nouvel Evil Dead ne pouvait qu'intriguer tout spectateur ayant bouffé de la trilogie de Sam Raimi, en VHS et en français, au point de massacrer les trois cassettes du loueur le plus proche. Mais tentons d'oublier un peu le titre, et de parler d'abord du film qui se cache derrière...

Il serait effectivement dommage de juger le film de Fede Alvarez à l'aune des aventures de notre cher Ash. Face à l'exercice complexe du remake, le spectateur doit choisir son camp, et rejoindre les troupes des comparateurs aigris ou celles des bienveillants poissons rouges. Pour ma part, je m'installe dans mon fauteuil de cinéma – rouge lui aussi, tiens tiens – en adoptant résolument la seconde position. Je prendrais le film pour ce qu'il me propose, point barre...

Et c'était sans doute la meilleure des solutions. Je n'ai ainsi pas eu à subir de plein fouet le choc d'une séquence d'ouverture aussi foireuse que programmatique. Je pense que mon cœur aurait lâché entre les deux premières répliques si mes attentes avaient été autres. Une jeune fille court dans les bois, puis se fait kidnapper par deux rustres. Elle se retrouve dans une cache, ligotée contre un poteau, en face d'une vieille dame qui marmonne des choses incompréhensibles et d'un type genre cadre moyen pas content du tout, du tout. Pour faire bonne mesure, des crétins congénitaux peuplent l'arrière-plan, et des chats morts pendent du plafond. La brune lève la tête, hésite, puis ose un timide:
- Papa?
La réponse du paternel ne se fait pas attendre, et l'on comprend que ses intentions ne sont guère bienveillantes. En fait il veut la brûler. Il faut dire qu'elle a tué sa mère, et comme disait Gérard Manset, on ne tue pas son prochain, ça ne se fait pas, ça n'est pas bien. Je prends un ton badin, pour ne pas avoir la main lourde sur le vitriol: l'insistance de cette scène sur une féminité perverse, que l'on ne peut traiter que par l'annihilation, tout cela enrobé de dialogues idiots et d'un sound design clinquant, est franchement de mauvais augure. La scène trouve un prolongement direct dans le problème qui sera esquissé dans la suite du film: Mia tente de s'exorciser de ses démons personnels, une addiction à la drogue, lors d'une retraite au fond des bois avec ses amis et son frère. Mais elle va vite subir les affres du manque, et menacer de perdre la raison...

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Dans un premier temps, Fede Alvarez (également co-scénariste du film) semble vouloir traiter son sujet avec sérieux, ayant sans doute l'impression, à juste titre d'ailleurs, d'avoir trouvé une bonne approche pour investir cette cabane aux planches vermoulues. Malheureusement deux écueils s'affichent de plus en plus clairement à mesure que se déroule le premier acte: l'approche est franchement moralisatrice, et le cinéaste a la finesse d'un marqueur à la pointe écrasée. Les cinq personnages sont décrits à l'emporte-pièce, au point que l'on doit se retenir de ne pas pouffer pendant l'ensemble pourtant plutôt limité de leurs échanges. Il ne s'agit pas d'exiger une montagne, pourtant: simplement la capacité d'un artiste à brosser en quelques traits des personnages consistants. Pas pour le goût du bel ouvrage, non, simplement car ils sont la condition sine qua non à un film qui va tenter de provoquer angoisse et effroi en exacerbant les tensions possibles dans un petit groupe réuni au milieu de nulle part. Si dans certains autres genres horrifiques la caractérisation importe moins, elle est ici absolument nécessaire pour créer chez le spectateur une empathie avec laquelle il va s'agir de jouer. Si l'on ne ressent rien pour les personnages, qu'importe que l'on les acheminent jusqu'en enfer?

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Le travail violent sur la figuration que permet la question de la possession – faire basculer un personnage, faire coïncider deux principes radicalement différents dans un corps – passe d'abord par une construction simple, ici presque absente. Quelques plans fugaces laissent espérer une approche nuancée du sujet par l'image, puisque les mots ne sont définitivement pas le domaine d'Alvarez. Un travelling lent sur le dos d'un personnage, le haut d'un visage barré par le sommier d'un lit superposé... Mais ces efforts sont rapidement engloutis dans un ensemble d'une lourdeur confinant parfois au ridicule le plus total (on pense en particulier au livre lui-même, avec ses barbelés et ses graffitis dignes d'un collégien atteint du syndrome de La Tourette).

Toi qui entre ici, abandonne maintenant tout espoir, a-t-on envie de murmurer... et l'on en vient alors à apprécier le film pour ce qu'il est, un petit train fantôme aussi cradingue que mal écrit. Dès que l'on a accepté que les personnages nous seront agités sous le nez comme des marionnettes hystériques, que la mort de l'un d'entre eux pourra être oubliée en un quart de seconde et que les problèmes personnels de Mia ne sont qu'un vague prétexte à une débauche sanglante, on sourit et on embarque dans l'attraction. On lève le nez sous la pluie de sang, on feint d'ignorer les sirènes stridentes qui tentent de percer nos tympans. On sait que l'on ne louera pas compulsivement la chose, d'ailleurs les loueurs de vidéos existent-ils encore? On ne la téléchargera pas non plus, juré. Mais on sort de la salle avec un petit sourire qui vaut toujours mieux que la franche colère ou le désarroi.

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