Meurtres en V.H.S.
Meurtres en VHS (USA - 1988)
Réalisation/Scénario : Jeff Lieberman
Interprétation : Kevin Dillon, Deborah Goodrich, Christopher Wynne | voir le reste du casting
En 1987 Jeff Lieberman, l'excellent metteur en scène de Blue Sunshine ou de Survivance, sort de longues années de silence avec Remote Control (retitré de bien insipide manière Meurtres en VHS chez nous). Son film, au contraire de ses prédécesseurs, ne devient pas un petit classique, et sombre même rapidement dans l'oubli. Sa ressortie récente nous donne maintenant l'occasion d'y jeter un nouveau regard...
Remote Control trouve son origine, comme souvent dans l'œuvre de Jeff Lieberman, d'une observation des évolutions de la société. Les années 80 marquent un net recul des idéologies révolutionnaires et contre-culturelles, remplacées par un goût javellisé, une vénération des apparences et du dernier cri technologique. Lieberman, l'ancien étudiant en art amateur de cigarettes qui font rire et de rock'n'roll, note avec curiosité une invasion: celle des foyers américains par les magnétoscopes. Et si les cassettes vidéos contenaient un message subliminal, capable de prendre le contrôle de notre esprit?
Sur ce point de départ, Jeff Lieberman va bâtir une curieuse intrigue, qui voit un jeune employé de magasin vidéo, Cosmo (Kevin Dillon), partir à la recherche des personnes se trouvant derrière la diffusion d'un vieux film de science-fiction... qui se nomme lui aussi Remote Control. Si Cosmo s'acharne sur ce film plutôt que sur un François Truffaut – dont il apprend par ailleurs les dialogues par cœur pour séduire la belle Belinda (Deborah Goodrich) – c'est parce qu'il note de troublants changements de comportement chez les personnes qui le visionnent. Pour le dire simplement, ils se transforment en maniaques meurtriers, dignes héritiers des utilisateurs du LSD frelaté de Blue Sunshine.
Le monde dans lequel évolue Cosmo est une sorte de cauchemar flashy: bustiers fluorescents, amateurs de fitness, coupes de cheveux foireuses... Lieberman dépeint les années 80 de manière grinçante, et offre comme contrepoint les images en noir et blanc du film de science-fiction qui détraque les cerveaux déjà mal en point de nos consommateurs aveugles. Sur le plan de la direction artistique, Remote Control est ainsi une véritable réussite, ce qui rend de manière un brin paradoxale le film presque difficile à regarder. Les images transpirent le vide d'apparences ayant remplacées la pensée; ce contre quoi Cosmo lutte presque par hasard, d'abord intéressé par un flirt potentiel. Kevin Dillon offre sa palette aussi réduite que jouissive au personnage, ouvrant de grands yeux hagards face aux pancartes publicitaires et aux cocktails aux couleurs de déchets toxiques.
Malgré son esthétique explosive et les constants jeux de miroir qu'il organise, le film souffre malheureusement de problèmes de rythme que l'on se doit d'imputer à un scénario aussi généreux que maladroit. La structure de Remote Control, toute en circonvolutions, ne permet jamais au film de s'emballer, et donne parfois la douloureuse impression que le troisième acte a précédé le premier. La mise en scène de Lieberman, ainsi qu'une magnifique bande-son de Peter Bernstein rendant hommage aux sonorités délirantes de l'âge d'or de la science-fiction (le Theremin est de sortie!), permettent cependant à Remote Control de s'élever bien au-dessus du tout-venant de la production du genre. C'est sans doute, finalement, que la nostalgie diffuse qui irrigue l'œuvre vient frapper quand on ne s'y attend plus, au détour d'un combat un brin naïf ou d'un échange savoureux entre Cosmo et l'ignoble Victor-au-brushing-parfait. Remote Control est l'hommage sincère de Jeff Lieberman à ce cinéma qui l'a remué tout gamin, ce cinéma qu'il a découvert... sur son poste de télévision.