We Are What We Are (USA – 2013)

Réalisation :

Scénario : ,

En écoutant la présentation de We Are What We Are lors de l’avant-première internationale de la dernière Quinzaine des Réalisateurs, on était en droit de rester perplexe. En effet, difficile de comprendre la logique derrière la sélection de ce film de commande dans le cadre d’un événement mettant très en avant les grands noms et autres révélations ayant fait sa renommée. Peut-être était-ce dû à la sélection du long-métrage à Sundance, mais quel intérêt de présenter le remake américain d’un film horrifique mexicain sélectionné il y a trois ans à la Quinzaine ? Malgré la sympathie éprouvée pour le réalisateur de Mulberry Street, difficile de ne pas voir derrière cette production une pure démarche commerciale révélatrice d’une absence désarmante de prise de risques et d’originalité. Malgré les attentes réduites liées à la nature même du film, on pouvait cependant espérer au moins une relecture énervée et rythmée du crépusculaire long-métrage original de Jorge Michel Grau, une version à l’Américaine tout en efficacité décérébrée, un peu à la manière du remake d’Evil Dead sorti récemment.

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Ce ne fut malheureusement pas le cas, le film de Jim Mickle se révélant un interminable navet mettant à mal l’attention de spectateurs au bord du vide sidéral et de l’endormissement. Somos Lo Que Haye (le titre de l’original) avait divisé la critique (notamment au sein de TORSO), mais on pouvait difficilement nier l’originalité du long-métrage mexicain, sombre descente dans les bas-fonds d’un Mexico décrépit et effrayant. La belle idée de Jorge Michel Grau était d’ancrer le film dans un contexte social réaliste et de ne pas insister outre mesure sur les aspects horrifiques de l’histoire. Laissant le mystère planer sur les motivations derrière le cannibalisme de la famille, il construisait la dynamique du long-métrage sur les rapports des personnages en fonction de leur place au sein du clan. Pour cette nouvelle version, Jim Mickle a tout de même eu la bonne idée de caster deux superbes jeunes actrices bourrées de talent et qui offrent l’unique intérêt du film. L’énigmatique et ambiguë Ambyr Childers (The Master), qui interprète la sœur aînée Iris, incarne une jeune fille mutique et écrasée par le poids des responsabilités laissées vacantes par la disparition de la matriarche, tout en tendant maladroitement (c’est peu de le dire) vers un idéal adolescent tout ce qu’il y a de plus classique. Son physique typiquement américain amplifie l’impression de girl next door contrariée qui va se révéler particulièrement dangereuse pour le garçon naïf et volontaire dont elle est secrètement amoureuse. Quant à sa jeune sœur Rose, incarnée par la diaphane Julia Garner (vue dans Martha Marcy May Marlene et actuellement à l’affiche d’Electrick Childen), elle dégage une force glaciale, s’opposant dès le départ au renouvellement de la tradition familiale mais portant paradoxalement en elle une violence trouble, qui finira par exploser dans un festin final sanglant et définitif.

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La découverte du talent certain de ces deux jeunes actrices restera cependant le seul aspect mémorable du troisième long-métrage de Jim Mickle, cinéaste qu’on avait connu plus inspiré par le passé et qui signe ici un scénario d’une platitude absolue. L’idée de transposer l’histoire dans une campagne américaine isolée et très traditionaliste, en opposition complète avec l’atmosphère très urbaine du film original, aurait pu s’avérer un bon choix si elle ne servait pas de prétexte à un parallèle paresseux avec les fondamentalistes qui peuplent la Bible Belt. Elle débouche finalement sur un concept de mise en scène grotesque, qui consiste à habiller les personnages de vêtements du XIXe siècle lors du repas qui clôt péniblement le film. Quant au « truc » qui consiste à intervertir le rôle de la mère et du père (c’est ce dernier qui mourrait au début de l’original), il n’apporte absolument rien de nouveau et représente pleinement le manque total d’imagination des scénaristes. Pire, il nous impose un personnage de patriarche léthargique campé par un Bill Sage (également au générique d’Electrick Children) ici fort peu inspiré et incapable d’apporter la moindre subtilité à son jeu renfrogné et morne. Enfin, l’ajout de flash-backs absolument ridicules, censés expliquer par le menu l’origine de la tradition vorace et soulignés par une voix-off insipide, achève de faire sombrer We Are What We Are dans la catégorie des navets mal cuits, terriblement fade et tiédasse. Le comble pour un film prétendument aussi vorace ! Cela peut sembler un jugement un peu rude, mais il est difficile de trouver des arguments pour défendre un film qui n’a même pas pour lui le capital sympathie d’une œuvre originale, surtout quand ce dernier plonge le spectateur dans un ennui interminable.

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On a vu par le passé que la maîtrise technique et l’efficacité scénaristique pouvaient sauver certains remakes sans grand intérêt du naufrage total, ne permettant certes pas à ces films de rivaliser avec leurs illustres modèles mais offrant malgré tout un moment de divertissement relativement honnête au spectateur méfiant. Rien de tel ici, on s’ennuie ferme et c’est long, très long. Alors on se repose la question : que fait un film pareil à la Quinzaine des Réalisateurs, quelles raisons profondes se trouvent derrière la démarche des sélectionneurs ? On retiendra deux actrices pleines d’avenir, beaucoup de déchets embarrassants et quelques images horrifiques caricaturales (notamment une femme nue enchaînée qui semble posée là comme un cheveu sur la soupe). Finalement, à côté du long-métrage de Jim Mickle, le récent Evil Dead de Fede Alcarez passerait presque pour la panacée du remake, c’est dire…

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