Mine Games (USA – 2012) 

Réalisation : 

Scénario : , , Ross McQueen, d’après une histoire de , Ross McQueen

Interprétation : , ,  | voir le reste du casting

 

Sept jeunes Américains fraîchement diplômés partent rejoindre des amis dans une grande maison perdue au cœur de l’impressionnante nature du nord-ouest américain, avec pour programme de vacances un mélange de sport et de fêtes. Pas très sûr de son itinéraire, le conducteur du van qui transporte la petite bande fait un écart pour éviter une silhouette mystérieusement postée sur la route, avant que le véhicule ne tombe en panne au beau milieu des bois… Les jeunes gens vont alors continuer leur progression à pied, et bientôt découvrir une luxueuse demeure toutes lumières éclairées. D’abord hésitant à l’idée de frapper à la porte de cette maison isolée, ils trouvent finalement la place vide et une note les enjoignant à attendre leurs hôtes. Suite à une première soirée joyeuse et arrosée, le groupe entame la journée suivante par la découverte d’une mine abandonnée. Leur première descente dans les dédales du souterrain se conclut par la terreur de Rose (Rebecca Da Costa), une jeune fille sensible qui prétend posséder des dons d’extra lucidité. Peu après, une seconde visite va les amener à faire une funeste et incompréhensible découverte, déclanchant une avalanche d’événements surnaturels. Cherchant par tous les moyens à comprendre ce qui se trame, tout en tentant de déjouer le mortel destin qui semble s’offrir à eux, les protagonistes vont être confrontés à une multitude de choix mettant à l’épreuve leur sens des réalités, de la confiance et du courage…

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Disons-le tout de suite : Mine Games est l’un de nos véritables coups de cœur du Marché du Film du dernier Festival de Cannes, et indiscutablement la vraie surprise de notre exploration des marges azuréennes. Un film qu’on a vraiment envie de mettre en avant tant son originalité contraste avec la banalité de nombre de long-métrages pourtant largement plus exposés. Il faut dire que Mine Games est un film confidentiel. Projeté dans très peu de festivals (Melbourne en 2012 et plus récemment le Festival International du Film d’Aruba), on peut s’étonner de la quasi-invisibilité du film de Richard Gray, cinéaste australien également co-auteur du script. Pourtant, le long-métrage à toutes les qualités qui devraient lui permettre de se retrouver programmé dans les nombreux événements dédiés au genre. Et à voir la qualité très relative des films sélectionnés dans certains festivals, on se dit une fois de plus qu’il y a décidément deux poids, deux mesures. C’est véritablement regrettable, tant Mine Games enthousiasme et rafraîchit par sa capacité à transformer un prototype de slasher américain en une histoire complexe, et cependant fluide, de paradoxe temporel. Quel ne fut pas notre plaisir de tomber sur cet ovni, qui venait nous sauver de l’ennui au moment même où les coins et recoins des catalogues de distribution allaient avoir raison de notre détermination à dénicher les perles de l’autre Festival de Cannes ! Si Mine Games ne fait plus vraiment figure de nouveauté – il a été projeté pour la première fois à l’été 2012 et Richard Gray a mis en boîte un autre film depuis – sa visibilité extrêmement limitée nous incite à lui donner l’éclairage qu’il mérite. En espérant qu’un distributeur offrira à ce long-métrage une édition DVD digne de ce nom, avant qu’il ne tombe définitivement dans l’oubli.

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Pour commencer, et à l’inverse de trop de films qui semblent tout miser sur les effets tapageurs, Mine Games tire partie d’un excellent scénario. Au départ, pourtant, tout commence comme le plus classique des whodunit : un groupe mixte de jeunes gens séduisants, un van, des vacances dans la forêt et une grande maison abandonnée. On peut alors craindre une suite de clichés, impression renforcée par une distribution typique partagée entre jolie blonde, jolies brunes et garçons volontaires et solidement bâtis (qui, comme c’est systématiquement le cas dans ce genre de productions, semblent tous bien plus âgés que ce que l’histoire suppose). Mais la grande force du film est justement de s’appuyer sur les attentes du spectateur pour mieux développer l’originalité de son scénario. Ainsi les personnages surprennent, et leurs rôles respectifs évoluent peu à peu face à la menace grandissante. Par exemple, le cousin anglais alcoolique et lourdingue se révèle graduellement un meneur intelligent et mesuré. Les acteurs s’en tirent par ailleurs plutôt bien, avec une mention pour le britannique Rafi Gavron (Par Effraction, Une Nuit à New York) et Joseph Cross (aperçu dans Milk ou encore Lincoln), qui tient le rôle délicat du schizophrène que tout le monde soupçonne d’être à l’origine des ennuis. On notera également la présence de Julianna Guill (vue dans le Vendredi 13 de Marcus Nispel) qui interprète le rôle de la jeune fille candide, face à la maternelle Briana Evigan, une autre habituée des bandes horrifiques (Sorority Row, Mother’s Day). Cette caractérisation des personnages, offrant à chacun un rôle spécifique à jouer dans le déroulement des événements, est l’une des réussites du long-métrage.

En confrontant frontalement ses personnages (ainsi que le spectateur) avec une situation incroyable, Gray décale les enjeux classiques du slasher : il n’est plus question de savoir qui sera tué le premier et qui survivra, mais plutôt d’essayer d’éviter de laisser se concrétiser la spirale destructrice. Incapables d’enrayer le déroulement fatal des événements, les membres de la petite bande vont inexorablement participer à leur propre perte, inconscients que chacun de leurs actes est déjà programmé et inscrit dans la logique de répétition d’une boucle infernale. La terrible rapidité avec laquelle les personnages doutent les uns des autres et se désunissent apparaît dès lors comme la véritable fatalité, révélant discrètement une conception plutôt pessimiste des relations humaines. Mais ce sombre constat n’empêche pas le film d’être doté d’une bonne dose de second degré. Préférant s’en remettre à l’intelligence du spectateur plutôt que de proposer des situations réchauffées, le cinéaste et ses co-scénaristes s’amusent à nous balader dans les méandres d’une histoire qui se développe sur plusieurs plans, se permettant des clins d’œil à l’intérieur du film, avec un humour subtil jouant des différents niveaux de lecture. Par exemple lorsque les personnages envisagent des scénarios possibles pour tenter d’expliquer les événements surnaturels qu’ils sont en train de vivre, puisant naturellement dans l’imaginaire fictionnel.

Le personnage de Rose, si elle n’a finalement que peu d’impact sur le déroulement du scénario, permet au cinéaste d’installer une ambiance inquiétante et ouvertement fantastique, quand ses congénères ont plutôt tendance à affronter les événements avec pragmatisme. Elle offre aussi au film de belles images purement fantasmagoriques, comme ses visions anachroniques de ses partenaires et de ses propres blessures. Un personnage annonciateur de la catastrophe qui n’est finalement pas sans rappeler – dans un autre registre – la figure angoissée de Michael Shannon dans Take Shelter, dont la lucidité sera constamment remise en question au profit d’une vision terre-à-terre des événements.

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Cette ambiance surnaturelle est subtilement mise en valeur par les décors naturels impressionnants de l’état de Washington, le film ayant d’ailleurs été tourné dans la même région que la série culte Twin Peaks de David Lynch. Mine Games est une réussite esthétique malgré un budget très modeste (environ 1,5 M$), en grande partie grâce à la capacité du cinéaste à créer un contraste entre la luminosité et le confort de la maison – retraite systématique des personnages, qui y sont à priori en sécurité – et l’obscurité glaciale de la mine, où ils s’enfoncent avec chaque fois moins d’espoir de s’en tirer. Richard Gray a également eu la bonne idée de ne pas en faire trop dans la gestion de ses effets horrifiques, préférant procéder par petites touches et ne montrant finalement que très rarement la violence et ses résultats. Peut-être parce qu’il n’est pas issu du cinéma de genre (il vient de la télévision, et deux de ses quatre long-métrages réalisés à ce jour n’ont strictement rien du thriller ou du film fantastique), ou bien simplement parce qu’il sait ménager ses effets, ce cinéaste des antipodes nous embarque dans les circonvolutions d’un scénario à tiroirs qui est aussi une leçon d’efficacité et de sobriété.

En nous révélant peu à peu ce qui est contenu dans un hors-champ défiant toute logique, Richard Gray nous offre des clés de lecture pour son long-métrage et compose un univers cohérent dans lequel ce qui ne nous est pas montré devient rapidement essentiel. Jouant habilement avec les points de vue des différents personnages, le réalisateur met en place un espace dans lequel le hors-champ se révèle un élément clé. Dans Mine Games, les images sont systématiquement porteuses de plusieurs niveaux de lecture. Il s’amuse également à ajouter des couches d’interprétations, évitant au film de tomber dans la facilité de beaucoup trop de scénarios jouant du principe de paradoxe temporel. Explosée, la réalité du film devient ici un miroir brisé dont chaque débris semble refléter une même image parcellaire, l’ensemble créant une représentation morcelée et confuse.

Il y aurait encore beaucoup à dire de Mine Games, un long-métrage dont chaque vision révèle de nouvelles richesses. Une œuvre originale qui offre de belles promesses quant à la suite de la carrière de Richard Gray et donne envie de découvrir The Lookalike, son prochain film, thriller en partie tourné à la Nouvelle-Orléans et écrit par sa femme Michele Davis-Gray, déjà co-auteur du scénario de Mine Games.

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