Blind Detective (Hong Kong – 2013)

Réalisation : 

Scénario : Ka-Fai Wai

Interprétation : ,  | voir le reste du casting

 

Avec Blind Detective, le prolifique cinéaste Hongkongais qu’on ne présente plus propose l’une de ces fameuses « parenthèses », terme imbuvable appliqué à tout cinéaste « sérieux » bénéficiant des faveurs pas forcément acquises d’avance et de la critique et du public, qui s’autorise par moments un petit écart en rompant avec le prétendu sérieux de ses autres œuvres. Il signe donc une comédie policière, « parenthèse » certaine entre deux films « sérieux », entendre par là films qui ressemblent à ce pour quoi on le connaît et l’identifie, à savoir de virtuoses thrillers mafieux. Or, c’est finalement assez mal connaître le cinéaste de Breaking News et de La Vie Sans Principe (deux films extrêmement différents) ou, encore mieux, de Sparrow, que de qualifier Blind Detective de parenthèse comique s’incrustant au milieu d’une filmographie plus sombre.

En fait, un indice flagrant se trouve déjà dans le titre international : ce film s’inscrit dans la continuité de Mad Detective, brillant polar absurde coréalisé avec son frère d’armes Ka-Fai Wai. Dans les deux cas, un postulat policier sert de moteur à une intrigue à tiroirs dont la force est d’être lue à travers un enquêteur aux procédés loufoques. Dans Mad Detective, la référence au Dale Cooper de Twin Peaks était transparente et servait la peinture d’un monde incohérent qu’on ne pouvait tenter de comprendre autrement que par l’incohérence.

BlindDetective9

Ici, nous suivons donc un inspecteur contraint de se retirer des affaires après un accident qui l’a rendu aveugle, et une jeune fliquette qui l’idolâtre comme s’il était Sherlock Holmes en personne, et qui ne doute pas de sa capacité, encore aujourd’hui, à résoudre n’importe quel crime avec brio. Ensemble, ils se lancent donc sur la piste d’un braqueur.

Blind Detective récupère certaines ficelles de Mad Detective. Notamment les séquences parodiant les prouesses déductives de la police que l’on connaît depuis la naissance du roman policier, que To s’amuse à pervertir en les rendant impénétrables de manière grotesque et en détachant la déduction de toute logique, comme le faisait Lynch avec Twin Peaks. Ici, ces scènes se transforment en un gag que l’on imagine bien, puisque notre détective est aveugle et qu’il est censé « voir » comment les événements se sont produits. Se succèdent ainsi plusieurs séquences assez poussives durant lesquelles il tente de reconstituer la scène de crime ou de vol, pour la visualiser dans son ensemble. Le problème, c’est que le grotesque vire le plus souvent au ridicule, d’autant que To a décidé sciemment d’extraire de son nouveau métrage toute la dimension mystérieuse qui aidait justement Mad Detective à s’avérer régulièrement fascinant. Blind Detective, quant à lui, se veut donc comédie pure. Exit aussi, du coup, les prouesses formelles de To qui ne sont convoquées ici, de manière très frustrantes, que lors d’un dîner au restaurant qui voit le détective récupérer avec une dextérité fantastique une tasse sur le point de tomber. Ici, plus beaucoup de traces des ballets formels où To faisait un feu d’artifices de toute action et de tout mouvement, qu’il émerge à l’occasion d’une baston, d’une filature, ou même de petits gestes anodins soumis à une chorégraphie tout aussi exaltée. Blind Detective ne conserve rien, ou pas grand-chose, de cette classique « pulsation To » (que l’on retrouvait pourtant encore dans Sparrow et même à de petits instants dans La Vie Sans Principe). En fait, le film s’apparente plutôt à un buddy-movie bondissant (autant dans l’action dans le scénario, passant de vignette en vignette) et hystérique, qui s’avère malheureusement très vite fatigant.

BlindDetective5

Sauvé par instants par la photographie, très belle, et part quelques fantaisies de montage, Blind Detective est le plus souvent exténuant, parfois ridicule et peine à fonctionner pleinement dans les multiples genres qu’il investit. Le policier ne marche pas particulièrement puisqu’on se désintéresse assez vite de cette histoire un peu banale ; la comédie s’essouffle à force de gags répétitifs et rarement drôles ; tandis que l’action devient carrément le point faible du film, tant on ne retrouve pas la vigueur mouvementée des précédentes œuvres du cinéaste, filmant ici assez platement et de manière identique une poursuite en voiture et une répétition de danse. On espère le voir reprendre du poil de la bête, dans un premier temps avec un film qui précède ce Blind Detective et qui commence actuellement à tourner dans quelques festivals : Drug War, dont la très belle affiche donne un peu d’espoir.

A suivre… 

Submit to FacebookSubmit to Google PlusSubmit to TwitterSubmit to LinkedIn

Ajouter un Commentaire


Code de sécurité
Rafraîchir