Man from The Future
Man from The Future (Brésil – 2011)
Réalisation/Scénario : Cláudio Torres
Interprétation : Wagner Moura, Alinne Moraes, Maria Luísa Mendonça | voir le reste du casting
Parfait inconnu dans nos contrées, Claudio Torres vient de la télévision brésilienne, pour laquelle il a réalisé quelques épisodes de séries et conçu la sienne. Pour autant, il a réalisé trois long-métrages avant cet O Homem De Futuro qui, étrangement, n’a trouvé aucun distributeur international depuis sa sortie au Brésil en automne 2011. Il fait donc gentiment le tour des festivals depuis, jusqu’à l’Etrange Festival cette année.
Résumer cette comédie de science-fiction donne la couleur d’emblée : le brillant scientifique Zero (!) invente malencontreusement (!!) une machine à voyager dans le temps qui le ramène vingt ans plus tôt, au jour précis où sa vie a basculé : en effet, ce pauvre Zero venait de trouver l’âme-sœur, avant que l’indélicate ne lui brise le cœur en l’humiliant sur la scène du bal de fin d’année, transformant notre pauvre Zero en une version masculine et grassouillette de Carrie. Revenu en ce jour funeste, le quarantenaire Zero va aider le jeune à ne pas voir sa vie gâchée ce jour-là.
Le film peine un peu démarrer, le récit semble au départ pas si excitant que ça, la mise en scène est assez quelconque et Torres multiplie les clins d’œil à un public un peu lourdé s’il ne connaît rien du Brésil de 1991 (ou rien au foot, c’est selon). De plus, la transparence du scénario semble dans un (long) premier temps déballer toutes ses cartouches assez vite. Fort heureusement, Torres nous ménage tout de même quelques surprises et le film glisse subtilement du remake de Retour vers le futur (le bal de fin d’année, le couple à reconstruire…) à une version romantique, plus drôle mais non moins désespérée que le dépressif Timecrimes de Nacho Vigalondo. Trois versions de Zero squattent progressivement cette scène cruciale de son existence, et chacun affiche clairement un but différent, en fonction de la raison pour laquelle il se trouve là, et de ce qu’il veut rectifier (ou ne pas rectifier) exactement. La comédie romantique un peu niaise devient alors, jusqu’au milieu du troisième acte, une surprenante farce acerbe alimentée par un réseau d’erreurs toujours perpétrées par une seule et unique personne : Zero. Tout, de la scène fondatrice originelle (qui n’existe évidemment que contaminée par le futur, paradoxe temporel oblige) jusqu’à ses multiples tentatives désespérées pour la rectifier, tout se transforme en désastre à cause de la bêtise crasse et de l’inconséquence de Zero. Le moment où la boucle se boucle est un instant d’une cruauté rare, où l’on comprend que personne d’autre que lui-même n’a affublé au personnage principal ce sobriquet de Zero. Depuis toujours, il aura été de différentes manières l’unique cause de sa propre perte.
Man From The Future est financé par un grand nombre d’institutions, dont plusieurs chaînes de télévision. Ce qui explique peut-être une fin tristement aberrante qui va à l’encontre de ce que le film s’évertuait jusqu’ici à raconter. Cette conclusion en forme de happy-end bling bling dénote un peu tristement avec le désespoir infini savamment construit jusque-là, et l’originalité apportée à un motif finalement rare au cinéma : le dégoût de soi. Ceci étant dit, on comprend d’autant moins, avec une fin pareille, que le film n’ait pas encore trouvé les suffrages d’acheteurs… français.