Dark Touch
Dark Touch (France, Irlande – 2013)
Réalisation/Scénario : Marina de Van
Interprétation : Padraic Delaney, Robert Donnelly, charlotte Flyvholm| voir le reste du casting
Après une adaptation du Petit Poucet pour la télévision qui sera loin d’avoir marqué les esprits, on retrouve Marina De Van aux commandes d’un film d’épouvante tourné dans la campagne irlandaise. Pour la première fois, la réalisatrice de l’intense Dans ma peau et de Ne te retourne pas s’essaie à un cinéma de genre plus grand public, arborant des références clairement délimitées (en gros, Carrie et Poltergeist) et un traitement classique. Ce qui ne signifie pas du tout impersonnel, tant il est clair que De Van aborde de front des thématiques qui l’obsèdent depuis toujours : la violence faite au corps, le trouble identitaire, le rapport de l’individu au groupe…
En pleine nuit, la petite Neve fait une crise nerveuse et s’enfuit de chez elle en hurlant. Ses voisins la recueillent et la rendent à ses parents. Elle ne veut pas rentrer chez elle et, alors que ses parents l’y obligent, elle pleure. A ce moment-là, un vase tombe seul d’un meuble. Quelques jours plus tard, c’est toute la maison de Neve qui s’agite, et toute la famille meurt, à l’exception de la fillette, qui sera à nouveau recueillie par ses voisins, lesquels ont perdu une fille il y a seulement deux ans.
De ce récit presque archétypal d’un fantastique fondé sur le malaise domestique, Marina De Van fait un conte sur la pédophilie et la haine enfantine (par essence ?) des adultes. A grand renfort de séquences nocturnes dans une maison inquiétante et de regards glacés par les violences diverses qu’on leur a infligées, Dark Touch intrigue un temps. Par petites touches, il dresse un portrait parcellaire et inquiétant des parents de Neve, desquels se dégage progressivement une violence sourde, peut-être fantasmée. C’est là-dessus, sur le fantasme cauchemardesque d’une fillette et le regard circonspect des voisins, que le film fonctionne au début. Malheureusement, il échoue sur à peu près tous les autres tableaux : les séquences d’épouvante dans la/les maison(s) sont un brin timorées et à l’incertitude trouble des événements succède vite la difficulté de la mise en scène à construire un dispositif horrifique solide. La peur ne point jamais vraiment, et Marina De Van peine à donner de la suite dans ses idées fantastiques. Ainsi, ces séquences font vraiment pâle figure à l’époque précise où un James Wan se montre, sur un terrain similaire, autrement plus vigoureux.
L’autre gros problème de Dark Touch est la lisibilité trop simple de la pédophilie et des ravages mentaux et émotionnels qu’elle provoque sur une fillette. La succession de « symptômes » (Neve sursaute quand on la touche, bloque sur la ceinture débouclée de son père d’adoption provisoire, baisse sa culotte quand on la gronde en attente de sa punition…) est assez lourdaude, et fait peser sur l’ensemble un air de pédopsychiatrie pour les nuls (à ce titre, le personnage de l’assistante sociale doucereuse et enceinte est franchement ridicule).
Ce que ne sauve pas un final nihiliste mais pas très subtil qui montre, comme dans Carrie ou Charlie (autre influence Stephen King du film), la rage de la fille se déporter sur tous les adultes plutôt que sur les seuls qui le méritent réellement. Le retournement des rôles enfants/parents, à l’exception de l’idée assez effrayante de la douche, apparaît comme un pétard mouillé à la violence et à l’insolence finalement limitées et convenues. Ce qui est toujours mieux que l’effarant The Secret, sans être encore la panacée de ce qu’on pourrait attendre d’un vrai cinéma d’horreur venu de France.