Found.
Found. (USA – 2013)
Réalisation : Scott Schirmer
Scénario : Scott Schirmer, d'après le roman de Todd Rigney
Interprétation : Gavin Brown, Ethan Philbeck, Phyllis Munro | voir le reste du casting
Au milieu du film, Marty déclare, en une voix-off en direct de l’enfer : « I’m watching my life becoming a horror movie ». Voilà tout le programme de Found., film américain indépendant à très petit budget racontant l’histoire de Marty, gamin de douze ans qui découvre que son grand frère est un serial killer, en trouvant dans sa chambre une tête cachée dans un sac de bowling.
Si la phrase évoquée plus haut intervient tard, il est clair dès le départ que le film commence à l’instant précis où la vie de Marty se transforme en film d’horreur. Il débute ainsi brutalement sur la découverte de cette tête. Le film va alors déployer l’existence en souffrance de Marty, articulée autour de sa passion pour les films d’horreur et les comics, le rejet violent des élèves de sa classe et l’ombre double d’un frère qu’il admire autant qu’il craint. L’une des grandes forces de Found. Est de rendre palpables les puissances fantasmatiques d’un enfant. Sans trop le surligner, en restant à hauteur de son personnage, Scott Schirmer reconstitue différents troubles préadolescents, rend extrêmement bien le mélange de peur et de fascination pour l’horreur, la découverte de la sexualité à travers les images qu’il projette sur l’existence d’un frère qu’il ne perçoit que de très loin, et dont il s’applique à remplir lui-même les zones d’ombre. Moment impressionnant du visionnage décisif d’un film d’horreur qui fait jaillir des images interdites sur son frère, et qui empiète sur la réalité. Schirmer parvient en outre à rendre toute une série de micro-événements avec l’ampleur que leur donne l’enfance : Marty fouille dans la chambre de son frère, il sait très bien qu’il n’en a pas le droit, et il entend soudain des pas (merveilleux plan de la cache sous le lit), il dessine un héros de BD qui… découpe des têtes, etc.
Le glissement dans l’horreur s’opère de manière trouble lorsqu’il regarde Headless, faux film d’horreur 70’s qui le renvoie à son frère, auquel il emprunte les traits pour l’assimiler au tueur du film. Un simple fondu-enchaîné entre un plan large de la télévision et un plein cadre du film lui-même fait littéralement glisser la réalité de Marty dans le film d’horreur qu’il regarde, et vice versa. La séquence est incroyablement violente, tant par ce qu’elle montre et suggère en elle-même que par ce qu’elle renvoie du personnage qui la regarde, et ce qu’elle augure de la suite du film que, nous, regardons. Evidemment, Marty assimile totalement son grand frère au tueur du film, de même que son grand frère s’est lui-même inspiré de Headless, semblerait-il, pour perpétrer ses meurtres. Ce qui ne revient pas du tout à dire que le cinéma d’horreur engendre des tueurs. On est loin de chez Michael Haneke, et lorsque Schirmer tourne sa séquence d’un prétendu film des années 70, il convoque la puissance, terrible mais fondatrice, qu’une scène horrible peut avoir sur un enfant. De même que le frère assassin révèle progressivement des zones d’ombre qui ne relèvent pas de son affection pour les films d’horreur et qui indiquent clairement que Schirmer ne dénonce pas les films d’horreur, il propose plutôt une ouverture via l’horreur sur la dimension intrinsèquement horrifique du monde.
Le film prend alors un chemin de traverse pour rendre un caractère très bassement réel en contrepoint à cette horreur fantasmatique. Quand elle quitte l’écran pour investir véritablement la réalité de Marty (par deux fois, le frère surgit et tord le réel en sortant Marty d’une horreur par procuration, une fois dans un train fantôme, une autre au cinéma qui projette un film de zombies), il s’avère qu’elle se situe au niveau du racisme, de l’éducation, d’une horreur « banale », sur laquelle il est possible de mettre des mots davantage que des images. C’est là que le film s’en sort un peu moins bien, au moment où il quitte la sphère du fantasme et de la peur diffuse pour entrer dans celle de la psychanalyse et des problèmes sociaux. L’absence du frère, le monde que Marty créait autour de cette absence, était finalement plus troublante que sa présence, et la relation entre les deux ne fonctionne pas extrêmement bien. Tout comme ne fonctionnent pas les explications un peu lapidaires du comportement du grand frère (là, les scénaristes en font un peu trop et peinent à se montrer très crédibles).
Ce qui est un peu dommage, au vu de la force de ce qui a précédé. Reste que Found., film d’horreur, singulier parce qu’il s’interroge lui-même et sur son rayonnement sans passer par un post-modernisme facile, tranche avec ce qu’on peut voir aujourd’hui (on pense autant à Joe Dante, Tobe Hooper, ou Gregg Araki), et s’avère diablement troublant.