Forbidden Zone (USA - 1982)

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Le synopsis est assez simple : la famille Hercules vient d'emménager dans une nouvelle ville, et tout serait pour le mieux si la cave de leur maison ne recelait pas une porte aboutissant sur la sixième dimension, cette fameuse « Forbidden Zone » du titre. Les parents interdisent formellement à leurs enfants d'y pénétrer, ce qui excite bien sûr la curiosité de leur fille – une jeune ingénue écervelée nommée Frenchy – qui décide d'aller y faire un tour et se fait capturer par la Reine. Son frère Flash partira alors à sa recherche, accompagné du grand-père – dont le comportement et les grognements évoqueraient plutôt l'homme des cavernes. Commencera une suite d'immersions dans cet univers loufoque.

Forbidden Zone est le premier film de Richard Elfman. Ce qui explique peut-être le sentiment d'une absence de limites, désinhibition totale et sans complexes. Le spectateur non prévenu sera frappé par son caractère idiot, et grotesque.

L'histoire est sans queue ni tête, les personnages semblent tous être des attardés qui ne répondent qu'à leur logique propre. Toute liberté a été gardée par Elfman et consorts pour produire un film hors des bienséances, du politiquement correct et surtout de la suffisance de l'intellect. Mais cette idiotie a plus à nous proposer que ce que l'on croit. Derrière l'esthétique fantaisiste à laquelle on pourrait la restreindre pour mieux la rabaisser – et ainsi occulter son côté dangereusement provocateur et interrogateur – il y a bien plus à décrypter. Forbidden Zone pointe les dangers d'un trop-plein d'intelligence au profit de la libération des penchants déviants de l'humain. 

Le grotesque, notion plutôt évasive, mélange comique et tragique, rire et effroi ; comporte l'idée de la dérision, du ridicule, du satirique ; associé tant à l'angoisse qu'à la farce et au rire carnavalesque. Une vision du monde particulière, destruction profanatrice laissant place à une incohérence libératrice. Le grotesque s'avère aussi ambivalent que ses figures sont diverses. Il évolue selon les époques, devenant à sa manière reflet de celles-ci. Forbidden Zone s'avère être une figure grotesque du XXème siècle. Il manie le rire subversif du carnaval, qui domine tout au long du film. Il propose une vision de notre réalité, mais déformée ; reconnaissable et cependant étrangère. S'il n'effraie pas à proprement parler, l'univers mis en scène se montre tout de même malsain, désagrégé, aliéné. Ses représentants ne sont plus que marionnettes vides de psychologie. Ainsi les corps aussi en sont grotesques, mécanisés et avilis. C'est d'ailleurs dans cet avilissement glorieux, cette dépravation dans la joie, que résident l'ambivalence et la force du film.

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La porte menant à la sixième dimension serait une allégorie du miroir de Lewis Carroll dans De l'autre côté du miroir. Alice, en passant à travers la glace, atterrit dans un monde-reflet à la logique inversée et au fonctionnement particulier. Seulement ici nous sommes dans Forbidden Zone, et quand Alice traverse le miroir du salon – image plutôt poétique – les personnages du film se font avaler par le monstre-porte de la cave, digérer, avant d'être littéralement... chiés dans le vestibule de ce monde parallèle. Différence de taille. Et surtout, contrairement à l'histoire de Carroll où le monde « réel » d'Alice est cohérent et celui du miroir complètement absurde, ici les deux univers sont aussi incohérents et débridés l'un que l'autre. C'est un monde qui rappelle étrangement le nôtre, mais ne répond plus à sa logique et préfère rejoindre la folle zone interdite.


La Sixième Dimension semble être l'univers du jeu et de l'aléatoire : sa monnaie y est le dé, un élément qui revient constamment dans le paysage (de gigantesques dés s'amassent autour du trône royal et servent de fauteuils). La logique de la Sixième Dimension est parfois inexplicable, et semble s'en remettre à la bonne fortune. Lorsque les personnages pénètrent dans la Zone Interdite, ils tombent tout d'abord dans le vestibule précédemment cité. Les parois sont recouvertes de portes, chacune illustrée d'un dessin : point d'interrogation, d'exclamation, gorille ou danseuse du ventre... De ces portes sortent diverses créatures (boxeur, suppôts de Satan ou vieux juif marchandeur) et elles-même mènent à différentes régions de la Sixième Dimension. Du choix de la porte dépend l'accueil qui nous est fait : Frenchy débarque joyeusement devant un couple de boxeurs entonnant une rumba, tandis que le père s'enfonce dans l'une des galeries souterraines et que Squeezit, avant même d'être entré, se fait assommer dans le vestibule puis capturer par les serviteurs du Diable. Débarquer dans la Sixième Dimension revient à jeter un coup de dés : on ne sait pas sur quoi l'on va tomber et cela paraît totalement aléatoire.

La progression des personnages dans cet univers semble aussi répondre de la logique du jeu : Frenchy est capturée, puis libérée, puis recapturée, ainsi que son frère, qui parvient à s'échapper... Ils avancent et reculent sans cesse dans l'action, tels les pions d'une partie de petits chevaux qui se feraient doubler, manger, envoyer au camp, recommencer.

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Plus qu'un jeu, nous nageons dans la mascarade. Et même dans une mascarade bien particulière : le Carnaval. Sans parler des costumes et maquillages des comédiens, Forbidden Zone ramène directement à la signification première de cette célébration païenne. Le Carnaval, rite qui avait lieu une fois l'an était un catalyseur d'énergies, expression de la colère à l'égard du pouvoir. La fête se réalisait dans la transgression et le renversement de l'autorité. Ainsi pour une journée le bouffon devenait roi, lui-même symboliquement mis à mort et brûlé sur le bucher libérateur. Remarquons que c'est exactement ce qui advient ici puisque Frenchy, qui n'est qu'une pauvre arriviste, finit par prendre la place de la Reine dans le coeur du Roi et sur son trône. Reine dont on célèbre la mort dans la joie générale. Quant au Roi, personnage important et respecté de tous, il se trouve être un nain – pas besoin donc d'un renversement de pouvoir en ce qui le concerne puisqu'il incarne le renversement en lui-même. Les corps sont inversés : des adultes jouent des rôles d'enfants, un homme celui d'une femme. Jusqu'à la logique qui devient caduque : un élève jette ses livres par terre avant d'entrer en classe, les enfants doivent enfiler des sacs en papier sur la tête pour ne rien voir lors des séances de lecture (ces deux séquences illustrant à la perfection le refus de toute intellectualisation du film).

 

Cette transgression est poussée jusqu'à une animalisation des personnages. Animalisation primitive du grand-père que l'on attache et tient en laisse, comportement régressif à mi-chemin entre l'homme de Néandertal et le chien mal éduqué. On croise encore le « chien » garçon de la Princesse de la Zone Interdite. La Reine chante être née comme une « grue sans pattes », concluant sur un cri d'oiseau pré-enregistré. Rugissements de lion, hurlements à la King Kong et feulements de chats sont employés à d'autres moments. Le serviteur de la Reine est un homme-grenouille, batracien évoluant sur deux pattes vêtu d'un complet de serveur de restaurant. Un « gorille » se glissera derrière le grand-père afin de l'attaquer dans les cavernes de la Sixième Dimension... Et finira la tête réduite en miettes par les coups de poings de cet arriéré de vieillard : où l'animalité humaine est plus brutale encore que celle d'une vraie bête. Squeezit est « Chicken-Boy », le garçon-poulet, transcription littérale de la poule mouillée qu'il est. Et finalement ce sont les poules vivant dans sa chambre qui parlent d'une douce voix humaine, le conseillent et détiennent la sagesse dont tout humain ici semble être dépourvu.

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C'est à Marie-Pascale Elfman, la femme du réalisateur, que nous devons les décors du film. Faute de budget, moyens du bord : carton, papier, peinture et ciseaux pour tout matériel. C'est pourquoi les décors finirent par avoir de faux airs de Méliès. Ce magicien de l'image, précurseur des effets spéciaux, réalisait ses décors par pans de carton et peintures noire et blanche. Marie-Pascale reprit le même procédé et c'est ainsi qu'en résultent la façade cartonnée de la maison des Hercules, l'autre boîte en carton qu'est la salle de classe avec sa fenêtre en papier, les cavernes de papier kraft agrémenté de cafards peints de la Sixième Dimension, et tout un tas d'autres réjouissantes trouvailles. Ce côté bricolé dans lequel s'affirme l'implication humaine dote le décor d'un caractère vivant. Loin d'être froid, il exprime plutôt la subjectivité de son créateur, et respire la vie – au sens premier du terme, car les course-poursuites dans la Sixième Dimension entrainent des mouvements d'air qui font bouger les parois en kraft de la caverne : les murs semblent alors véritablement respirer. Retour aux sources du cinéma, mais son objectif n'est plus du tout le même : Méliès était un magicien à proprement parler et comme tout magicien il voulait entretenir l'illusion dans l'esprit du spectateur. De cela il n'est plus question chez Forbidden Zone.

Méliès montrait des « vues fantastiques » pour extraire le spectateur de son monde quotidien, lui raconter des histoires. C'est tout naturellement qu'il fut situé à l'opposé des Frères Lumière et leurs « vues de plein air » qui restituaient des scènes de leur société contemporaine, telle la bien célèbre sortie d'usine des travailleurs. Malgré les nombreux questionnements quant à l'orchestration de leurs films (à quel point ces séquences ont-elles été mises en scène? Les figurants ont-ils modifié leur comportement ou leur habillement pour l'occasion?) il en est ainsi : Méliès voulait montrer du rêve, les Lumière voulaient montrer la vie.

Forbidden Zone, lui, se situerait entre les deux puisqu'il nous montre à la fois un univers chimérique – monde parallèle peuplé d'êtres hybrides, où l'on ne meurt pas même quand on a la tête coupée et
où l'on s'adresse au diable en chair et en os – et une vision de notre propre monde, certes déformé mais reconnaissable. En effet, malgré toute son absurdité et incongruité c'est bien de notre société contemporaine qu'il s'agit. Société aux stéréotypes exacerbés, à commencer par la famille Hercules où les comportements « normatifs » familiaux sont caricaturés.

La scène d'école est particulièrement remarquable : aux origines juives des Hercules s'ajoutent un Hitler miniature, deux blondes à nattes et nez de cochons aux faux airs d'Amish, groupe de cancres collés au radiateur tout droit sortis d'un film de blaxploitation. On retrouve la plupart des minorités américaines, version freaks. Ceci sans oublier la maîtresse d'école : un travesti au look outrageusement « camp ». Tous les rejetés de la société. Un de ces cancres blacks descend un élève, la maîtresse sort une mitraillette de son bureau, commence une fusillade effrénée avec prise en otage de Frenchy... Nous ne sommes pas loin – malgré le comique à la vue de cette maîtresse trop maquillée affublée d'une arme énorme dont elle sait tout juste se servir – des tueries américaines de Columbine et autres.

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Il s'agit bien de notre monde : nous en reconnaissons les codes mais il a fortement changé, comme si nous l'observions au travers d'un miroir déformant. Ceci nous permet de rapprocher Forbidden Zone de l'expressionnisme. L'expressionnisme s'opposait au naturalisme par désir de créer un monde autonome, en marge du réel, désir que nous retrouvons dans ce film. Il est d'ailleurs intéressant de noter que contrairement aux autres films montrant des freaks, tels le bien-nommé Freaks (1932) de Tod Browning ou l'Elephant Man (1980) de David Lynch, les personnages de Forbidden Zone ne se trouvent pas confrontés à un modèle de normalité. Ils sont englobés dans leur univers déviant, aucun être « normal » n'est là pour pointer leurs dégénérescences du doigt : ils sont libres d'évoluer comme bon leur semble.

L'esthétique des décors évoque l'expressionnisme et ses lignes brisées, torturées, aux fausses perspectives. Pensons à la première image du film, cette fameuse façade de la maison des Hercules. Elle rappelle sans conteste celle du foyer de l'employé de banque dans De l'aube à minuit (1920) de Karl-Heinz Martin : murs qui penchent, fenêtres biscornues, barrières blanches devant la maison à laquelle mène un petit chemin, aucun effet de perspective car on ne nous montre que la façade, frontalement.

Les décorateurs du cinéma expressionniste concevaient leurs plans sur un système d'images closes ; organisation de l'espace concevant le décor en fonction de l'action censée s'y dérouler. Il en va de même ici. Prenons par exemple la scène de petit déjeuner chez les Hercules : Frenchy se lève pour aller danser dans un coin. Le coin devant lequel elle s'agite est dessiné différemment du reste de la pièce (c'est du plancher) de sorte qu'elle soit mise en valeur. Ces corps sont donc des corps centrés, constamment placés au milieu de leur milieu.

Mais si l'esthétique rappelle l'expressionnisme il ne s'agit plus de la même époque, ni des mêmes idéaux. Ce mouvement, apparu après la première Guerre Mondiale, cherchait l'homme nouveau qui saurait bâtir le monde de demain. Tandis que Forbidden Zone est une oeuvre des années 80, décennie de crise économique, génération arrivée après le traumatisme de la seconde Guerre Mondiale qui découvre le SIDA et baigne en pleine période punk... Le contexte n'est plus le même, il ne s'agit plus d'une lutte mais d'une constatation aussi amère que comique. L'homme nouveau a été un échec, son apparition ne s'est jamais faite et le monde n'est plus qu'un immense chaos organisé dans lequel chacun évolue comme il le peut. Paradoxe : l'expressionnisme était un mouvement de l'espoir, avançant vers la construction d'un monde nouveau, mais traitait de thèmes sombres, parlant de folie et exprimant la laideur à travers des personnages torturés. A l'inverse, Forbidden Zone est un état de crise mais il en ressort une euphorie communicative et un sentiment de fête permanent règne en maître.       

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Le jeu des acteurs, même leur corps, évoquent quelques risibles marionnettes. Le grand-père armé de sa matraque n'a de cesse de frapper son petit-fils sur la tête. Les coups rendent un son de bois creux! Nous ne sommes pas dans le châtiment mais dans la farce ; geste de rébellion de Guignol contre le gendarme, crâne évidé de la marionnette.

Les personnages ne possèdent absolument aucune psychologie, ce ne sont que des archétypes, rôles en creux comme une coquille vide : façade physique, personnalité schématique sans rien de plus profond en arrière. Ces corps ne sont que les réceptacles présents pour mener la mascarade à bien. Comme une marionnette ils ne pensent pas mais font seulement mine de penser, ils sont donc manipulés à volonté.

Voyons ces effets de montage image par image qui saccadent l'action et la rendent mécanique. Impression d'un corps sous contrôle, qui ne peut se mouvoir à sa guise : les membres de la famille à table se mettent à tourner sur eux-mêmes alors qu'ils sont assis sur leur chaise. Aucun mouvement n'a été esquissé de leur part, une conscience supérieure manipulatrice les a envoyés tourbillonner au loin. Ou de l'Alphabet Song à la chorégraphie raide d'automate, ou d'un garnement soulevé dans la salle de classe par un fil tel un pantin.

Ce corps sans vie, devenant objet, est mené à son comble avec l'homme-lustre de la Sixième Dimension : esclave presque nu pendant du plafond, à plat ventre dans les airs, une bougie à chaque mains et pieds – ou les deux femmes-sphinx encastrées dans l'immense escalier menant au trône. Le corps devient véritablement accessoire, élément du décor au même titre que tables et chaises. Evocation de la Belle et la bête de Cocteau où des bras humains sortant des murs portent les candélabres, où des bustes vivants de haut-relief ornent la cheminée.

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Si les comédiens nous rappellent Guignol, le film entier évoque le Grand Guignol. Au départ théâtre parisien du XIXème siècle traitant de faits divers sordides, aujourd'hui renvoyant à un mauvais goût outrancier, le Grand-Guignol raffole des thèmes horrifiques, n'hésitant pas à en rajouter dans le sanglant et le spectaculaire. On y traite les thèmes du meurtre, de la torture médicale, de la folie, et bien sûr de l'érotisme. Tous des thèmes que nous retrouvons dans Forbidden Zone.

Notons que par la suite le théâtre Grand-Guignol avait été exporté en Amérique. Ces spectacles inspirèrent largement les films gores, série B et comics qui se mirent à pulluler. Vampires, zombies, monstres à la Frankenstein et autres lui doivent beaucoup. C'est ainsi que Forbidden Zone emprunte tout naturellement aux codes des films d'horreur et science-fiction (à commencer par son titre : no man's land post-apocalyptique ou « Chernobyl Zone », au choix). Monde parallèle, figures monstrueuses et autres King-Kong, le Roi évoquant sa future armée de zombies...

Le jeu des acteurs est aussi profondément grand-guignolesque. Le Grand-Guignol est un théâtre surjoué, où chaque acteur amplifie et caricature son rôle et ses mouvements – gestes amples, cris déchirants, etc. Les mimiques forcées, sourires figés et comportements emphatiques des acteurs elfmaniens évoluent exactement dans le même état d'esprit. Les quelques séquences d'animation où les personnages sont incrustés dans l'image, rappelant le dessin animé ou la bande dessinée, participent de cette amplification des attitudes.

Mais face au Grand-Guignol, Forbidden Zone semble édulcoré. Quand ce théâtre était le maître des effusions sanguines, scènes d'égorgements exhibées, spectacles-prétexte à faire jaillir les giclures rouges, Forbidden Zone reste plus sobre, ne nous dévoilant pas l'action en elle-même. Squeezit se fait trancher la gorge hors-champ, la séance de torture que la Reine veut faire subir à Frenchy demeure à l'état d'intention... L'unique vision un peu repoussante serait celle où la Reine reçoit un couteau acéré dans le bras puis l'en extirpe avant de l'envoyer dans la cuisse de René. Nous voyons ici les rares moments de trucages gores, maquillage de chair sanglante.

Et malgré cette parenté une différence reste de taille : le Grand-Guignol, s'il a aujourd'hui pris le sens péjoratif d'une situation exagérée aux effets spectaculaires démesurés, était réellement pris au sérieux à l'époque. Les scènes jouées, aussi grotesques et peu crédibles pouvaient-elles être, tétanisaient les spectateurs qui, pris d'horreur, s'évanouissaient bien souvent. Il était devenu habituel pour les directeurs de ces théâtres de compter le nombre d'évanouissements par soirée, la réussite de la pièce s'évaluant à la quantité des défaillances. A l'opposé, Forbidden Zone ne nous demande en aucun cas de défaillir à sa vue. Ce n'est pas un film de la fascination-répulsion mais un film de la dérision. Il ne nous demande plus de croire à la scène, mais de l'observer d'un oeil amusé et détaché.

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C'est que, en une centaine d'année, les moeurs ont bien changé. Banalisation des images-choc, des scènes de violence, personne ne risque plus de frissonner d'horreur face à une pièce grandguignolesque. Et de toutes façons Forbidden Zone ne nous demande pas de croire à ce que nous voyons ; l'élaboration de ses décors en est un bon exemple. Elaboration si grossière que nous ne pouvons nous départir de l'idée que ce que l'on voit est factice, il s'agit de situer le contexte des scènes, pas de prendre celles-ci pour vraies. Lorsque le père part au travail dans sa voiture en carton il nous est simplement demandé de saisir qu'il s'agit d'une voiture, non de réfléchir à si oui ou non une boîte en carton peut réellement rouler : on est dans la symbolisation, le signifiant. De même les fils accrochés au dos des personnage-marionnettes volant au travers de la salle de classe font partie de cette mise en lumière de l'envers du décor ; ou plutôt de ce décor autant avant qu'envers, qui avoue en même temps qu'il ment. Nous sommes à la fois dans un retour à Méliès (par l'utilisation de décors de cartons peints, soit-disant en trompe-l'oeil) et dans une critique de Méliès (par, a contrario de l'illusionniste, la revendication de sa facticité).

Mais si le spectateur reste à distance de ce qu'il voit, au contraire les protagonistes de l'histoire jouent comme s'ils prenaient tout cela très au sérieux. À aucun moment ils ne rient d'eux-même, ne se rendent compte que ces situations sont parfaitement loufoques et eux ridicules. Non, ils jouent leur idiotie avec un sérieux de pape et c'est en cela qu'ils nous semblent plus idiots encore. Et que le film ne peut que nous faire rire davantage.

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