Wolf Creek 2
Wolf Creek 2 (Australie – 2013)
Réalisation : Greg Mclean
Scénario : Greg Mclean, Aaron Sterns
Interprétation : John Jarratt, Ryan Corr, Shannon Ashlyn | voir le reste du casting
En séance de clôture du PIFFF 2013 était présenté le très attendu Wolf Creek 2, suite maintes fois repoussée du film réalisé par l’australien Greg Mclean, qui avait traumatisé les spectateurs de la Quinzaine des Réalisateurs en 2005. Ce thriller atmosphérique, très inégal mais pas dénué d’intérêt, avait permis à ce nouveau venu d’être comparé à des cinéastes en vogue comme Eli Roth, Alexandre Aja, James Wan ou encore Neil Marshall. Ce groupe de réalisateurs, que les critiques ont rapidement surnommé le Splat Pack pour leur tendance à éclabousser l’écran de sécrétions et autres tripailles, partagent une inclinaison pour le torture porn et une violence souvent complaisante et désincarnée (Neil Marshall faisant ici figure d’intru, lui qui emballe plutôt des séries B musclées plus ou moins honnêtes). Il semblerait que cet adoubement douteux soit le cadeau empoisonné de la critique à un cinéaste qui avait jusque-là résisté aux sirènes de la normalisation, préférant réaliser un pur film d’exploitation chez lui (le film de crocodile géant Solitaire) plutôt que d’aller signer un énième remake à Hollywood, ce qu’on ne peut que saluer. En effet, il semblerait que le désir de renouer avec le succès public de son premier film ait quelque peu perverti les intentions de Greg Mclean, puisqu’il tombe cette fois dans tous les écueils que son premier opus avait intelligemment évités…
En effet, Wolf Creek 2 se regarde comme un best of malheureux des tendances horrifiques actuelles les plus indigentes, le cinéaste abandonnant complètement l’ensemble des éléments qui rendaient son premier film original : outre une ambiance flirtant subtilement avec le paranormal, la très bonne idée de Mclean était de faire s’étirer son prologue sur un bon tiers du film, permettant à ses personnages d’exister au-delà de leur martyr annoncé et rendant leur tentative de survie bien plus prenante. Cette fois, une introduction expéditive sert de vague prétexte narratif, et permet surtout au réalisateur de s’en donner à cœur joie en illustrant le calvaire ultra-violent d’un paisible couple d’auto-stoppeurs allemands, le tout de la façon la plus graphique et déplaisante qui soit, avec agression sexuelle et décapitation sauvage à la clé. Autant dire que ça commence assez mal. La suite sera un pot-pourri qui pioche allègrement dans la grammaire de l’horreur avec une absence de cohérence assez stupéfiante. Références lourdingues à Duel et au « thriller routier » cher au pays de George Miller, séquence lorgnant sur le western post-moderne et qui semble égarée au beau milieu du long-métrage (nouveau prétexte à l’assassinat brutal de personnages que l’on vient tout juste de rencontrer), et finalement une longue scène qui s’inscrit dans la droite lignée des jeux de massacre typiques de la série des Saw. L’ensemble est aspergé de références assez creuses à des figures marquantes du cinéma populaire, du fouet d’Indiana Jones aux martyrs décharnés de Pascal Laugier…
Finalement, Greg Mclean aura eu la très mauvaise idée d’articuler sa suite autour des éléments les plus faibles du premier opus : un boogeyman très insipide et une justification assez inutiles de la véracité supposée (et somme toute très relative) des événements décrits. Salué par de nombreux observateurs, le personnage du trappeur psychopathe incarné par John Jarratt est pourtant une relecture assez grossière du redneck typique du cinéma d’horreur américain, une version xénophobe et dégénérée de trappeur du cru. Par ailleurs, le réalisateur ne se décide jamais vraiment entre une approche réaliste du drame qui se joue et un second degré référentiel qui désamorce les situations et met en lumière le manque de substance des personnages. On sent pourtant encore cette volonté d’utiliser les paysages australiens et la mystique qui leur est associée à des fins fantastiques, mais cette fois Greg Mclean semble desservi par ses larges moyens. Les impressionnantes étendues du bush sont filmées comme un clip publicitaire de l’office du tourisme australien, et le long-métrage est bourré d’effets tape-à-l’œil qui viennent alourdir encore un peu plus la narration. Il y avait pourtant matière à un film original, le postulat de départ du premier Wolf Creek étant plus que jamais pertinent, puisque le statut de l’Australie en tant que pays de prédilection des jeunes backpackers européens s’est encore un peu plus confirmé depuis le milieu des années 2000. Retourner le cliché du pays accueillant et paisible en présentant le côté obscur des zones les moins fréquentées était de fait une démarche à contre-courant, et le premier film introduisait une ambiguïté subtile entre l’aspect touristique des paysages et leur nature profondément mystérieuse (Wolf Creek étant justement un parc naturel au centre duquel se trouve l’immense cratère d’une comète tombée au milieu du désert). Rien de tout cela ici, la singularité australienne du film restant cantonnée à des références générique peu intéressantes.
Finalement, critiquer Wolf Creek 2, c’est un peu tirer sur l’ambulance, tant le film s’inscrit naïvement dans la droite lignée de réalisations toutes moins subtiles les unes que les autres. Si le cinéma fantastique, et peut-être encore plus lorsqu’il s’inscrit dans l’horreur pure, s’attache souvent à explorer les zones inavouées de l’âme humaine, le limiter à un jeu de massacre voyeuriste ne sert finalement à rien d’autre qu’à le vider de sa substance subversive. Finalement, le long-métrage de Greg Mclean est peut-être résumé par cette scène inattendue de massacre gratuit et enthousiaste de kangourous en images de synthèse. Un carnage très graphique sans aucun lien avec le reste de l’histoire, à l’image d’un film qui fait se succéder des séquences sans aucune cohérence scénaristique. Espérons que Greg Mclean revienne bientôt à la production de petites séries B bien emballées après cette suite complètement ratée.