Dark House (USA – 2014) 

Réalisation : 

Scénario : 

Interprétation :  voir le reste du casting

 

On pourrait tracer une ligne droite entre Clownhouse (son premier film) et Dark House. D'une maison à l'autre, Victor Salva installe ses angoisses, charrie ses frustrations qui engendrent des monstres. Dans les deux films, c'est plus particulièrement la famille – noyau dysfonctionnel dans l'un et totalement dissolu dans l'autre – qui fait jaillir des ténèbres cauchemars enfantins et démons en tous genres.

Après Rosewood Lane, Salva poursuit son exploration, passionnante, des déplacements impossibles et des hors-champs instables. Le motif du visage (et de l'œil !) de l'agresseur dans Rosewood Lane, omniprésent, fait place ici à une série de dérèglements spatiaux qui conduisent régulièrement à faire opérer aux personnages ou aux objets des déplacements impossibles. A un moment de Dark House, le jeune Nick – qui hérite d'une maison qui le hante depuis sa plus tendre enfance – fait face à un interlocuteur qui, profitant d'un hors-champ opportun, se retrouve brusquement derrière lui. Souvent, des personnages font obstacle sur la route et provoquent l'embardée de voitures dont les occupants ne cessent de s'étonner : « Vous avez surgi de nulle part ! » Mieux encore, la sombre maison du titre que l'on cherche à fuir et qu'on ne fait pourtant que recroiser, le monde étant devenu un labyrinthe dont les sorties ne peuvent être qu'un retour à cette maison. Demeure fondamentalement mobile, puisqu'on nous apprend qu'elle a littéralement glissé de plusieurs kilomètres suite à une inondation, stoppée dans sa course par un arbre immense régulièrement choisi par les suicidaires de la région pour s'y pendre (la plus belle idée du scénario).

Dark House 6

D'un père absent au fils à naître en passant par la mère cinglée (dont l'esprit s'est délocalisé), la piste psychanalytique qu'emprunte l'idée de ces déplacements est transparente. Rien n'est où il devrait être, à l'image de cette famille. Plus passionnante encore est l'ouverture métaphysique d'un film qui ne cesse de questionner la présence au détriment d'une absence logique, qui irait plus naturellement de soi. Ouverture asseyant le gouffre face auquel se trouve le personnage : l'existence au détriment de l'inexistence qu'il semble, sinon préférer, du moins comprendre davantage. Après tout, il ne voit dans les gens qu'il touche que la certitude de leur mort à venir.

Lorsque ces phénomènes de déplacement ne sont pas régis par les manipulations du montage, ils semblent littéralement jaillir du film, par le film. Ces panos accélérés qui stoppent au moment de cadrer les monstres donnent l'impression d'un mouvement qui non pas s'arrête sur la créature présente dans l'espace, mais au contraire la fait jaillir dans l'espace. Le pano ne dirige pas vers le monstre, il le fait naître.

Si ce n'est pas le montage ou les mouvements de caméra, ce sont les objets eux-mêmes qui signalent leur impossible déplacement, non par le mouvement mais par l'apparition, l'incrustation à l'image. Essayant pour la énième fois de fuir la maison, les personnages errent dans la forêt, en pleine nuit. Soudain, à travers les branches des arbres et la nuit noir qui cloisonnaient jusqu'ici la profondeur de champ, un carré lumineux apparaît. Puis, à côté, un deuxième. On comprend que malgré cette aberration spatiale, les voilà encore devant la maison qui témoigne d'elle-même de sa présence. Troisième carré lumineux, sous les deux premiers : la porte est ouverte, et se dessine dans le noir le visage sommaire de la maison. Il n'a plus l'inquiétant rictus des vieux clowns, il est mortifère et inexpressif. Dans le cinéma de Victor Salva aussi, il y a eu déplacement.

Dark House 3

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