Cold In July (USA – 2014)


Réalisation : 

Scénario :  d'après le roman de 

Interprétation :  |voir le reste du casting

 

Du travail de l'écrivain Joe Lansdale, on ne connaît finalement au cinéma que ses collaborations avec le génial Don Coscarelli. Cette adaptation de l'un de ses romans noirs avait de quoi exciter, y compris aux mains du très inégal Jim Mickle (Mulberry Street, ok, mais aussi We Are What We Are).

Richard tue « malencontreusement » un jeune cambrioleur masqué. La police l'informe qu'il s'agit du fils d'un gangster local qui ne prendra forcément pas la nouvelle avec humour.

Il y a quelque chose de Fargo dans la manière dont Mickle dresse le portrait succinct d'un homme sans aspérités qui se retrouve face à un poids moral, avant de laisser la suite des événements se dérouler seuls et décider à sa place. Michael C. Hall, échappé de la série Dexter, campe ainsi un grand gaillard arborant la moustache et les idées préconçues. Dans son placard se cache un flingue, et sur son front, juste au-dessus de son regard à la fois déterminé et absent, on croirait lire « Texas » en lettres capitales. Hall joue aussi un lointain cousin sudiste du personnage de William H Macy.

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Le film commence comme une étude de mœurs sous le vernis du film Noir. La balle tirée est le déclencheur d'un dérèglement de la moralité chez Richard. En somme, d'une remise en question inaugurale. La force du film est d'éluder, finalement assez rapidement, le conflit moral. Ceci au profit d'une farce policière, le glissement d'un état à l'autre exprimant très bien l'idée que le personnage est à totalement à côté de ses pompes, marche littéralement à côté de lui-même. A l'introspection succède un arc narratif dont le personnage principal est exclu, traînant son corps trop imposant au beau milieu d'une histoire qui avance sans qu'il ait vraiment la moindre emprise dessus. De déclencheur de l'intrigue, du centre du cadre, il gagne progressivement sa périphérie, errant parmi les personnages « secondaires » qui auront réussi à se placer au centre de l'attention à sa place. Belle extension de l'acte séminal : ce coup de feu tiré « sans faire exprès », malgré son tireur. Ce tireur qui vend des cadres dans une petite boutique de la ville, qui passe ses journées à fabriquer le cadre de tableaux qu'il ne réalise pas lui-même. En bref, un type qui tourne autour des événements sans jamais y prendre part. Le premier plan du film est d'ailleurs le tableau d'un paysage accroché sur un mur, dans sa maison. Lorsqu'il tuera le cambrioleur, Richard éclaboussera de sang ce tableau. Belle idée programmatique.

Cold In July possède d'autres belles séquences prenant l'inaction comme moteur. Suite à une série de retournements de situation, Richard se retrouve à épier le père du jeune cambrioleur, qui cherche à se venger de lui. Celui-ci est en fâcheuse posture, puisqu'il est attaché sur des rails de chemin de fer. De cette situation type propice à un moment de bravoure, fût-ce dans un western ou un film de gangster, Mickle en fait une chose étrange : Richard est planqué derrière un arbre. La nuit se pare de couleurs que le film n'avait pas encore accueillis, tout en nuances de vert et de rouge. Une musique enrobe l'ensemble, puis soudain s'arrête. Elle s'arrête, évidemment, pour laisser place à un silence menaçant que remplace très vite... le son d'un train qui s'approche. Ce qui se joue ici est l'inverse d'une situation héroïque ou, tout au moins, lourde d'enjeu et de suspense, puisqu'on assiste douloureusement, lourdement, à l'immobilité de Richard. On n'a pas l'impression d'assister à son doute, à la possibilité qu'il le sauve ou qu'il se mette à fuir. Comme d'habitude, il a l'air absent, et la beauté de cette séquence tient aussi de l'absence de lignes de force. Plus de conflit moral, plus de tension, plus de suspense, simplement la peinture assez crue d'un homme dont on ne sait pas encore, et lui-même ne le sait pas mais semble ne pas se poser la question, s'il va agir et ce qu'il va faire.

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Le film, un peu protéiforme, se perd malheureusement dans de trop nombreux décrochages de ton qui vident progressivement le propos au profit d'un froid exercice de polar déstructuré et maniériste. L'évolution de Richard, si on a bien vu qu'elle ne se faisait pas vraiment psychologiquement, se fait malgré tout au détour des différents lieux qu'il occupe. Intelligemment, Mickle (et, certainement, Lansdale avant lui) découpe son film en différents lieux très évocateurs. Le chemin de fer, un drive-in, un vidéo-club, une maison en friche... Ce qui donne l'impression de voyager de points en points, de découvrir progressivement la géographie d'une ville, et ses différentes ambiances qui s'entrechoquent. En somme, de la découvrir en même temps que Richard, qui ne connaissait jusqu'ici rien d'autre que ses trois lieux primitifs : sa maison, son magasin, son coffee-shop. Ensuite, les lieux se chargent d'une énergie que l'on suppose nouvelle pour lui, et qui crée un contrepoint foudroyant avec sa propre apathie.

Malheureusement, cette idée est accompagnée d'une volonté permanente de casser la tonalité, de jouer de manière un peu rigolarde avec les stéréotypes du genre. Ce qui casse un peu la dynamique de l'ensemble, jusqu'à une expédition punitive finale non seulement mal amenée, mais surtout assez nauséeuse. Dommage aussi que finalement, les différents lieux investis par Mickle ne soient pas transcendés plus que ça, et s'affichent essentiellement comme une série de vignettes un peu désincarnées. Ce qui est sûr, au vu de la séquence du drive-in, c'est que Jim Mickle n'est pas l'homme qu'il faudra pour l'adaptation d'un autre roman – fantastique cette fois – de Lansdale... Le Drive-In !

Cold in July

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