True Love Ways
True Love Ways (Allemagne - 2014)
Réalisation/Scénario : Mathieu Seiler
Interprétation : Anna Hausburg, David C. Bunners, Kai Michael Müller| voir le reste du film
« Severin, your servant comes in bells, please don't forsake him
Strike, dear mistress, and cure his heart"
The Velvet Underground, Venus In Furs
Severine brûle d'un rêve qu'elle a fait, et d'un amour fictif qui la pousse à fuir. Au volant de sa vieille voiture blanche glissant sur la route de ses fantasmes, la belle fixe l'horizon et la voix chevrotante de Buddy Holly s'infiltre à travers l'autoradio.
Just you know why
Why you and I
Will bye and bye
Know true love ways
La chanson imprime un sourire sur le visage de Severine, et quitte même la diégèse crachotante de la vieille radio pour enrober l'environnement. La voiture file à toute allure, et avec elle la certitude pour la jeune femme de s'approcher de la vision qu'elle a eu la nuit dernière. Une vision douce et sucrée, en adéquation avec la chanson qu'elle écoute.
Mais déjà, une voiture noire tâche le paysage aux multiples teintes claires et s'apprête à croiser Severine, assaillie par une panique irrationnelle. Elle n'est plus seule, cette route ne lui appartient plus, et cet oiseau noir rutilant qu'elle s'apprête à croiser ne peut être que de mauvais augure.
Sometimes we'll sigh
Sometimes we'll cry
And we'll know why
Just you and I
Know true love ways
La chanson s'est repliée, pataude, dans le strict carcan de la radio, incapable désormais de se diffuser au-delà. Et au moment où les deux véhicules se croisent, la chanson meurt comme si elle avait été aspirée par la voiture noire.
Le monde a opéré un funeste glissement et la route blanche de ses fantasmes vient subitement de gagner quelques zones d'un noir d'encre.
Throughout the days
Our true love ways
Will bring us joys to share
With those who really care
Severine s'arrêtera pour pénétrer une maison fascinante dont elle ne parviendra plus à sortir. A l'intérieur, un groupe d'hommes menaçants, parmi lesquels... son petit ami qu'elle vient de fuir. Elle sillonnera alors chaque centimètre carré de cette grande bâtisse, cellule labyrinthique qui servira de révélateur à différents fantasmes masochistes, pulsions à la fois voyeuristes et exhibitionnistes et autres désirs troubles. Des désirs qu'elle peinera à contenir comme elle peinait à porter, pourtant déjà adulte, l'immense ours en peluche qui envahissait son appartement trop étouffant.
Rampante, cachée dans les moindres recoins qui puissent accueillir sa trop imposante présence, elle se dérobera sans cesse aux regards, lesquels glisseront sur toutes les surfaces, tenteront par tous les moyens de trouver les angles morts dans lesquels elle se cache. Les images que les sinistres occupants de la maison tournent comportent divers sévices infligés à une femme anonyme, surface quelconque sur laquelle là aussi, on croirait qu'ils essaient de trouver les traits de Severine derrière la défiguration.
Lorsque celle-ci se cache sous le lit d'une pauvre femme violée et battue, on observe ce qui pourrait s'avérer être deux versions d'une même personne, dont il est difficile de décider vraiment laquelle fantasme le plus d'être l'autre.
Sometimes we'll sigh
Sometimes we'll cry
And we'll know why
Just you and I
Know true love ways
Comme Roy Orbison dans Blue Velvet, Buddy Holly est la clé d'un univers de romance pervertie, où la bluette n'est que la façade à un déchaînement de pulsions contradictoires et destructrices. Plus que jamais, les sentiers de l'amour sont loin de n'être que cette simple ligne droite se profilant vers l'horizon.