The House at The End of Time
The House at The End of Time (Vénézuéla - 2013)
Réalisation/Scénario : Alejandro Hidalgo
Interprétation : Rosmel Bustamante, Adriana Calzadilla, Simona Chirinos | voir le reste du casting
The House at The End of Time est tout entier articulé autour d'une séquence – en guise d'œil du cyclone – vers laquelle la première moitié du film tend, et dont la deuxième découle. Une séquence qui contient, plié et ramassé, ce que le reste du long-métrage déroule comme un ruban. Les portes claquent, les poignées s'agitent seules, et tout l'espace semble être sous le joug d'une menace qui n'a jamais été aussi présente mais qui sans cesse se dérobe. Les personnages valident un à un leur présence à l'intérieur du cadre, si bien que progressivement il devient impossible que qui que ce soit que l'on ait déjà identifié soit l'origine de cette menace. Et pourtant, ce hors-champ les contient tous, transformés, et c'est de ce hors-champ réintégré dans le cadre que découlera la suite du film.
Cette séquence est belle parce qu'elle dilue la longue (et laborieuse) installation du récit et de ses personnages, en troublant la perception que l'on a des corps et en déplaçant leur présence. Un petit garçon que l'on croit dans une pièce se faufile dans un couloir. Pourtant, on le sait ailleurs. Est-ce quelqu'un d'autre ? Après tout, son apparence n'est pas tout à fait la même. Un autre enfant hurle, sa mère court voir ce qui se passe. L'enfant en question a l'air absent, affirme que son frère lui a fait peur. Ledit frère que nous croyions ailleurs à cet instant. Et l'enfant qui hurlait est désormais impassible, comme s'il savait quelque chose que nous ignorons.
Le flou délicat de cette séquence centrale cristallise toute l'intention du film, intention qui malheureusement peine à s'affirmer ailleurs. La deuxième partie, plus intéressante, déploie une poignée de surgissements saisissants, parce qu'ils constituent des contrepoints aux apparitions de la première partie. Première apparition : un enfant se cache sous son drap, terrorisé par des coups donnés à la porte de sa chambre et à la poignée de porte qui soudain s'agite. Celle-ci s'ouvre. A travers l'opacité du coton, il aperçoit tout de même une silhouette, qui s'approche de lui. Cette silhouette, estompée par l'épaisseur du drap, est terrifiante, puisqu'on ne sait pas qui s'approche. On dirait son frère, mais en même temps pas tout à fait. Deuxième surgissement, qui survient après cette séquence-nœud dont nous parlions : l'un des petits garçons qui habite la maison a quelque chose à dire à son frère. Il frappe à la porte, plusieurs fois. Lorsqu'il l'ouvre, il découvre quelqu'un, ou quelque chose, sous un drap. Parfait fantôme d'un imaginaire enfantin rudimentaire. En deux temps, ces deux séquences en contrepoint l'une de l'autre effraient, parce que quel que soit le côté où nous nous plaçons, l'envers est terrifiant.
De telles fulgurances assoient ce qui constitue la belle idée du film, qui refuse à mi-parcours de n'être qu'un film de fantômes de plus. De fait, la grande majorité du long-métrage rejoue inlassablement une partition bien connue : celle du film de maison hantée post-Mario Bava, peuplé d'images et d'un mélodrame si caractéristique du fantastique hispanique de ces dernières années. C'est malheureusement dans sa majorité, donc, que le film pêche. Doté d'une image ni suffisamment élégante ni assez poisseuse pour rendre justice à la grande bâtisse qui lui sert de lieu presque unique et aux noirs qui l'habitent, rythmé par une série de jump-scares inefficaces et enrobé d'une musique calamiteuse (et mal placée), le film du vénézuélien Alejandro Hidalgo est finalement la matérialisation décevante d'une idée extrêmement belle. C'est d'autant plus attristant que le développement de ce postulat métaphysique est rabaissé in fine à un discours bas de plafond sur le destin et la religion. Dommage, le noyau du film méritait qu'on lui offre une bien plus belle chair.