The Town That Dreaded Sundown (USA – 2014)

Réalisation :

Scénario : d'après le scénario original de

Interprétation : , Veronica Cartwright, | voir le reste du casting

 

Texarkana est une ville bien réelle, à cheval sur deux états : le Texas et l'Arkansas. Elle constitua, en 1975, le véritable lieu de tournage d'un slasher un peu oublié de Charles B. Pierce, inspiré de meurtres dont la petite ville fut le théâtre. Malgré tous ces points d'ancrage véridiques, le remake de The Town That Dreaded Sundown est une fiction, mot auquel on serait tentés, pour aborder ce film, d'apposer une majuscule. Le film s'ancre dans un monde somme, dont le présent est perpétuellement investi par ses fantômes. Le panache de la mise en scène, l'hystérisation régulière du cadrage, l'inclusion dans le montage de plans appartenant au film original, tout concourt à faire de ce film méta non pas un nouvel exemple de postmodernisme clinique, mais une exploration verticale des effets de la fiction sur un monde congestionné dans la fictionalisation (par le ressassement), de son propre passé.

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Malgré une certaine solidité des formes (lumière très contrastée, effets appuyés, design sonore agressif, insistance sur certains stéréotypes), le film apparaît très vite d'une constitution extrêmement fragile : la ville est, de manière plurielle, fantomatique : les rues y sont souvent montrées vides ; les lieux dans le présent partagent leur mode de représentation avec celui du film original (certains plans sont refaits à l'identique, mais les lieux ont forcément changé en 40 ans, des images du film original servent à construire certaines séquences et sont montées avec des images récentes etc.) ; les personnages eux-mêmes ont une matérialité difficile : leur représentation passe par le décadrage, la silhouette, le reflet, l'ombre, comme si leur existence en propre était impossible à isoler de leur existence fondue dans cette ville, elle-même fondue dans son propre imaginaire, et en définitive sa propre fiction.

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Si le film évite la distanciation, l'auscultation du genre qu'il investit, c'est parce qu'il réfléchit moins à ses mécanismes qu'il n'en explore l'extrême mélancolie que pourraient éprouver les personnages à l'habiter. L'irrémédiable supplante ainsi le suspense dans la séquence Hitchcockienne de la poursuite dans un champ de mais, scène de tension parasitée par un plan de trop : une plongée sur l'ensemble de la situation, où l'on voit se dessiner les lignes qui marquent le chemin tracé par le tueur et sa victime, et dont on devine le point de croisement, forcément fatal.
Dans le dernier acte, l'angoisse ou la terreur attendues sont remplacées par une étrange mélancolie qui, à partir d'un instant précis, ne quittera plus le film : la jeune héroïne se réveille après une première nuit passée avec son nouveau petit ami. Or face à elle, est campé le précédent, assassiné au début du film : son visage est ensanglanté, et ses pupilles ont pratiqueent disparu. Il se lève pour disparaître dans le voisinage à travers le mur de la chambre qui s'ouvre de manière fantastique. Le premier petit ami resurgit pour un dernier au revoir et, dès la séquence suivante,  ce sera au tour  du deuxième de disparaître. Après le rêve à la fois doux et morbide, le meurtre intervient pour réaffirmer qu'à Texarkana, tout est cyclique et ce qui apparaît ne tardera jamais à disparaître. De ces deux scènes naissent une sourde mélancolie qui habitera le film jusqu'à la fin : l'héroïne décide de quitter la ville avec sa grand-mère, mais l'expression dénuée de résolution des personnages rend sensible une évidence : on ne s'échappe pas de Texarkana, on ne survit pas à un slasher. Naturellement, les deux femmes s'arrêtent à la station service de la ville avant de prendre la route, et ce stéréotype est figé, avec lenteur. La jeune femme s'attarde dans la station, le regard perdu. Elle sait, et le film avec elle, que son échappée sera illusoire.

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Cette petite tragédie dans laquelle s'agitent des fantômes englués dans une ville et dans un destin desquels ils n'échapperont pas, est malicieusement augmentée d'un rapport intense au double, qui exprime parfaitement la notion d'héritage et de schizophrénie qu'elle aura engendré. La ville est double : à la fois au Texas et en Arkansas. Il y a donc deux shérifs, deux maires, etc. Le film est double aussi, puisqu'il est régi à la fois dans son présent hystérisé par le cadre et par un passé (le film original) très envahissant. La thématique du double rejaillit aussi dans la répétition (la foret traversée deux fois par l'adolescente, sa deuxième romance se déroulant comme la première, etc.) et la symbiose entre le remake et les images de l'original qu'il inclut régulièrement ne montre pas autre chose qu'un univers régi par un passé qui agit sur lui comme une malédiction. Ici, l'identité du tueur importe moins que cette malédiction qui fera que, toujours, un tueur resurgira à Texarkana. Ce constat, traité avec une douce tristesse, achève de faire de ce long-métrage stupéfiant un film de possession autant qu'un slasher, où tout ce qui compose le monde est hanté par son dédoublement et sa prédestination.

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