Baskin (Turquie - 2015)

Réalisation :

Scénario : Ogulcan Eren Akay, Can Evrenol ...

Interprétation : , , Fadik Bülbül | Voir le reste du casting

 

La première séquence du film est classique, presque archétypale. Un enfant entend ses parents en pleins ébats amoureux, se dirige vers leur chambre pour se retrouver confronté à un dilemme : ouvrira-t-il ou non leur porte ? Voudra-t-il voir ? Après hésitation il renonce pour un temps, attiré vers le salon par une télévision allumée. Face à elle, il n'observe que de la neige. Encore une fois, rien à voir pour le pauvre aspirant voyeur. Soudain, des bruits surgissent de sa chambre. Il y a quelque chose, ou quelqu'un. Quelqu'un dont on ne verra en premier lieu qu'un bras, tendu vers lui, baigné d'une lumière rouge. Ce même bras pulsionnel qu'il tendait lui-même vers la poignée de la porte il y a un instant.

Plus tard, ce garçon devenu adulte racontera un cauchemar récurrent, dont ce que nous venons de voir n'était qu'une petite partie. Belle idée puisqu'elle est une promesse : à chaque fois que quelque chose se produira, on y assistera avec la conscience qu'il se produit en vérité beaucoup plus que ce que l'on nous montre. Grâce à cette promesse d'incomplétude permanente, le film réussit à nous tenir lors d'enchaînements simples de plans dans lesquels pas grand-chose ne se passe, outre l'expressivité des lieux et les lumières bariolées qui l'enrobent.

1280x720--e7

Baskin insiste de bien des manières sur la logique cauchemardesque qui régit son récit et ses formes. Décors expressionnistes, perte fréquente des repères spatio-temporels, apparitions incongrues, visions naissant et mourant dans le même souffle. Et certains passages fonctionnent à merveille, que ce soit sur le terrain d'un onirisme surréaliste (la flaque de sang devenant puits sans fond, dont on extirpe le personnage à l'aide d'une main géante pour le faire émerger d'un étang, en pleine nuit) ou sur celui d'un grotesque viscéral (où certaines fulgurances évoquent à la fois Clive Barker ou un film comme The Sentinel). L'idée motrice du film étant de nous plonger progressivement dans un enfer dont on ne sortira pas.

Mais alors, avec toute cette énergie cauchemardesque déployée, malgré ses quelques séquences d'une efficacité redoutable (les premières apparitions mortifères et lubriques dans la grande demeure abandonnée), d'où vient ce profond sentiment de déception qui nous étreint une fois les lumières rallumées ?

baskin

Le premier problème du film vient du choix de ses protagonistes et du peu d'enjeux que ce choix recèle. Nos personnages sont une brigade de flics beaufs et agressifs, que l'on veut d'emblée nous faire détester, tout en cherchant progressivement à nous faire sentir la descente aux enfers. En terme de tentative d'identification, on a vu mieux. Et puis à quoi sert cette séquence collégiale, cliché du slasher, durant laquelle notre groupe dans sa fourgonnette chante avec allégresse sur une chanson qui passe à la radio ? Cette scène nous convie à la fête, nous rend complices de leur bonne humeur. Ceci juste après nous avoir fait subir l'humiliation d'un pauvre serveur par l'un d'entre eux. Le regard que porte le cinéaste sur ses personnages est au mieux confus, au pire très trouble.

baskin5-1600x900-c-default

La maladresse de certaines visions de cauchemar peut également laisser perplexe, tant elles ne semblent motivées par rien. Les créatures qui peuplent le film se livrent à des abominations sadiques, sexuelles et scato, ce qui fait forcément son petit effet, mais paraissent beaucoup trop racoleuses et vides de sens pour être honnêtes. Si certaines visions fonctionnent, d'autres nous rappellent les récentes heures sombres du cinéma de genre français (influence avouée par l'auteur du film).

Enfin, c'est la structure narrative tout en boucles lynchéennes, qui achèvent d'exciter notre suspicion. L'atmosphère de cauchemar ne justifie jamais vraiment les circonvolutions tape à l'œil du récit, qui apparaissent à la fin comme de simples cache-misères à un film qui n'a finalement pas grand-chose à nous raconter. Dommage : avec plus d'humilité et un véritable propos, Can Evrenol aurait pu nous faire glisser dans un enfer autrement plus profond, dont on se serait souvenu plus durablement.

baskin - h 2015

Submit to FacebookSubmit to Google PlusSubmit to TwitterSubmit to LinkedIn

Ajouter un Commentaire


Code de sécurité
Rafraîchir