Veteran
Veteran (Corée du Sud - 2015)
Réalisation/Scénario : Seung-wan Ryoo
Interprétation : Jeong-min Hwang, Ah In Yoo, Hae-jin Yoo | voir le reste du casting
Ryoo Seung-wan fait l'objet cette année d'une petite rétrospective au BIFFF. Le cinéaste coréen, que certains ont découvert avec Arahan (sympathique mais foutraque comédie d'action, projetée au BIFFF) en 2004 mais la plupart avec City of Violence en 2006, fait régulièrement le tour des festivals de cinéma de genre avec des films toujours remarqués (les thrillers The Unjust en 2010 et The Agent en 2013), à défaut d'être durablement marquants. Seung-wan s'inscrit, sans démériter mais sans génie non plus, dans le renouveau d'un cinéma de genre coréen en plein boom depuis quelques années. Son cinéma est propre, souvent efficace mais un peu impersonnel.
D'emblée Veteran a la bonne idée de s'engouffrer dans le sillon de la comédie policière engagée, qui fustige avec causticité le petit monde désormais bien connu dans le cinéma coréen contemporain de la police corrompue et des criminels impunis. Dans la lignée du récent Hard Day de Kim Seong-un, Seung-wan choisit le mélange des genres pour nous raconter l'histoire d'un flic cherchant à faire tomber un riche héritier qui se sert de son argent pour ne jamais se trouver trop inquiété par la police. Jusqu'au jour où l'un de ses employés fait une chute plus que douteuse du dixième étage.
Dans un sillon creusé par Bong Joon-ho, Seung-wan se montre particulièrement offensif vis-à-vis des institutions coréennes et de la manière dont toutes s'alimentent les unes les autres, quel que soit leur « bord » initial. Un motif simple figure la corruption et le détournement du regard des autorités face à l'illégal : la caméra qu'on obstrue. A de multiples reprises, le film jouera ainsi sur ce qui se produit devant les caméras (de surveillance, le plus souvent, mais aussi celle des smart-phones de passants), la poudre aux yeux, et l'image reconfigurée lorsqu'on bouche cette caméra. Un jeu de dupes s'orchestre alors parfois et nous offre simultanément deux versions d'un même événement, selon qu'une caméra le capture ou non. Le ressort est efficace, puisqu'il sert à la fois le versant comique et critique du film.
Malheureusement, les bonnes idées de ce genre se comptent sur les doigts d'une main et peinent à masquer les gros problèmes de rythme et de ton dont souffrent le film. S'il commence tambour battant par une belle séquence d'action débridée (où des docks se transforment en dédale coloré), le film se pose trop longuement par la suite et déroule des tunnels de dialogue interminables que réveillent à peine de légers sursauts d'incongruité. Ce n'est que trop rarement que l'alchimie entre les genres et les tons prend corps, le plus souvent les intentions ne cohabitent pas et ainsi s'annulent. Tour à tour film d'action, comédie loufoque, on frôle même parfois la comédie musicale, Veteran échoue à incarner la chute dans l'absurde que pouvait représenter Hard Day, ou le mélange des genres salvateur et cohérent auquel s'essaient des cinéastes comme Bong Joon-ho (The Host, Mother) ou Oh Young-doo (Invasion of Alien Bikini, Young Gun in The Time). Restent de bonnes séquences isolées les unes des autres.