The Theatre Bizarre
The Theatre Bizarre (USA/France - 2011)
Réalisation : Douglas Buck, Buddy Giovinazzo, David Gregory, Karim Hussain, Jeremy Kasten, Tom Savini, Richard Stanley
Scénario : Douglas Buck, Buddy Giovinazzo, Richard Stanley...
Interprétation : Udo Kier, Virginia Newcomb, Amanda Marquardt |voir le reste du casting
La tournée des festivals continue pour l'anthologie coproduite par les français de Métaluna Productions (Fabrice Lambot et Jean-Pierre Putters) et par les Américains de Severin Films (éditeur de DVD devenu producteur indépendant sous l'égide de David Gregory), intitulée joyeusement The Theatre Bizarre. Le principe est simple, connu, souvent enthousiasmant en théorie puis décevantdans les faits : plusieurs réalisateurs ont la charge d'un segment horrifique court, entre 10 et 25 minutes dans le cas qui nous intéresse ici, avec un budget imposé. Ici, le résultat ne pouvait être qu'acrobatique puisqu'on retrouve des réalisateurs aussi différents que Richard Stanley, Douglas Buck, Tom Savini ou Buddy Giovinazzo.
La question du film anthologique est toujours brûlante, et jamais trop considérée dans le spectre du film de genre, parce qu'elle heurte immédiatement celui qui se la pose à une barrière de taille : la cohérence, et la légitimité d'une telle réunification de segments qui, à priori, sont auto-suffisants. Les meilleurs films à sketches sont d'ailleurs souvent ceux réunissant des court-métrages d'un seul et même réalisateur. Ici, on n'échappe pas à la règle, puisque l'inégalité est encore au rendez-vous. Au rayon des ratages, on n'est pas forcément étonnés de voir Tom Savini se vautrer dans une petite comédie gore sur fond de psychanalyse de bas étage et de mise en abyme ratée (Wet Dreams), on l'est beaucoup plus devant The Accident, de Douglas Buck, qui signe ici une micro-fable très ennuyeuse sur la prise de conscience de la mort par une petite fille. Plastiquement très simple, ce film manque quand même terriblement d'idées et laisse craindre de la part de Buck (on espère sincèrement se tromper) un tarissement de l'inspiration qu'accompagnerait une plus grande confiance en lui, tant son film est creux mais plein d'une assurance qu'on ne lui connaissait pas du tout dans ses précédents court-métrages. On restera sur une déception sans grande conséquence en croisant toujours les doigts pour que Broken Imago arrive un jour à se faire.
L'autre déception, un peu plus en demi-teinte celle-ci, revient au segment de Richard Stanley, The Mother of Toads. Le sujet, Lovecraftien, faisait saliver d'avance s'agissant du réalisateur de DustDevil et scénariste d'Abandonnée. Malheureusement, cette histoire peut-être trop ambitieuse pour un court-métrage nous laisse sur notre faim, peinant à construire un vrai récit concis et percutant, et oscillant constamment entre le ridicule (l'acteur principal, les vues subjectives sur des crapauds sautant...) et un montage élégant et atmosphérique de certains plans dans des Pyrénées brumeuses. On ne sait où va le souhait de Stanley en ce moment, mais on espère quand même le revoir aux commandes d'un projet plus ambitieux.
Vision Stains de Karim Hussain, dont on connaît davantage le travail en tant que chef opérateur, nous saisit au corps dès le début une séquence à la sauvagerie inouïe (ou plutôt, et c'est le cas de le dire, inoculée). Une jeune femme capture ici la substance oculaire de femmes au bord du gouffre, et se l'injecte dans son propre œil, ce qui lui permet d'avoir la vision instantanée de l'ensemble de l'existence de la personne en question. Elle se demande alors si elle ne percerait pas le grand mystère de la vie en s'injectant la même substance extraite d'un nourrisson. Sur ce thème perturbant, on était en droit au cinéma de s'attendre à une vraie réflexion sur le rapport entre le vécu et le vu. Or, rien de tout ça, et Hussain se cache en dernier recours derrière une voix off un peu malhonnête étant donné le sujet. De ce film, on ne retiendra probablement que l'effet d'une aiguille dans un œil, et surtout l'œil qui se noircit ensuite à mesure qu'on le vide.
Au rayon des réussites assez étonnantes, on peut s'enthousiasmer face au baroque et affreusement rigolard Sweets, de David Gregory (dont on se rappelle d'un Plague Town de triste mémoire). On y voit un homme pathétique absorbé littéralement par un univers arty et décadent qui ne peut pas l'accepter autrement qu'en l'engloutissant au terme d'une célébration christique. Si Gregory ne va pas forcément très loin, il signe un court-métrage bariolé, bien construit, et finalement le film le plus cohérent par rapport à l'intention de base de l'anthologie, qui était de ressusciter à l'écran les expériences gores et délirantes du théâtre du Grand-Guignol.
Enfin, last but not least, le très bon I Love You, de Buddy Giovannizo, est très largement un cran au-dessus du reste. Ce huis-clos cauchemardesque autour d'un homme maladivement jaloux qui se fait larguer par sa compagne est une très belle esquisse des tourments qui agitent un couple en déliquescence, duquel ne surnagent plus que les terribles défauts du partenaire. Pour autant, c'est clairement du côté (en fait, dans l'esprit même) du personnage masculin que le film nous place, et l'ensemble s'achemine fatalement vers ce que le métrage était sans doute depuis le début : la folie circulaire et bloquée d'un homme qui rumine perpétuellement sa récente (?) séparation.