Eva (Espagne - 2011)

Réalisation : 

Scénario : Sergi BelbelCristina ClementeMartí RocaAintza Serra

Interprétation :  |voir le reste du casting

 

Dès le début du film, de très beaux plans surplombent une petite ville enneigée, des gens se promènent avec leurs animaux de compagnie robotisés, discrets mais très bien réalisés, les personnages se lancent des regards lourds de sens qui établissent très vite, avec un minimalisme virtuose, une série de connections muettes mais profondes. Maillo ne force pas le trait sur le caractère futuriste de son récit, ce n'est pas son propos. Si l'on peut y lire une déliquescence des rapports humains dans un futur déshumanisé, si l'on peut reconnaître une série de traits typique des histoires dystopiques dont nous abreuve la littérature de science-fiction depuis plusieurs décennies, on sait d'ores et déjà que ce n'est pas ce qui intéresse le plus Maillo. Derrière le vernis futuriste, derrière des idées comme celle du robot majordome à qui l'ont peut augmenter ou réduire son quotient émotionnel, se cache surtout un besoin de parler, de manière la plus simple possible, de ce qui arrive aux hommes lorsqu'ils grandissent et que l'ennui et l'aigreur remplacement le désir et la magie.

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Eva parle également de fuite, lorsqu'on se rend compte que notre héros, à la mine patibulaire et légèrement mélancolique, cache depuis des années des tourbillons de frustration, de lâcheté et de dégoût du monde. L'une des plus belles séquences du film, enrobée du Space Oddity de David Bowie, résume l'absurdité de la situation dans laquelle s'est plongé tout seul Alex lorsque, lors d'une soirée organisée par son ancienne université, il tente de se dérober à l'attirance qu'il éprouve pour un premier amour qu'il a lui-même abandonné, et qu'il décide finalement de reconquérir le temps d'une danse maladroite qu'il effectue sous les yeux de son propre frère, dont il convoite la petite amie.

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Et comment parler des turpitudes qui agitent ce personnage sans aborder la figure centrale et débordante du film, Eva elle-même. En évitant de trop en dire, la petite fille que rencontre Alex et qu'il décide de prendre pour modèle à son travail incarne progressivement les multiples facettes de son existence, ou en tout cas de ce qu'il considère à ce moment-là de sa vie comme le bilan actuel de son existence. Tour à tour fille de substitution en forme de fantasme patriarche, amie à la grâce et à l'intelligence dont semblent incapables les gens qui l'entourent, objet parfait de la réussite de toute une vie (l'enfant comme œuvre accomplie), Eva (impressionnante Claudia Vega) traverse le film en sautillant, et en s'affichant aux yeux du monde comme le mirage de tous ses désirs profonds.

La tonalité parfois un peu mielleuse du film et sa volonté de ressembler à tout prix à un conte familial Hollywoodien handicape un peu la très sombre histoire qu'il nous raconte en creux, puisque Kike Maillo préfère au final pleurer l'illusion fugitive d'un être parfait plutôt que de hurler la démence et la profonde tristesse de son créateur.

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