The Corpse of Anna Fritz
The Corpse of Anna Fritz (Espagne - 2015)
Réalisation : Hèctor Hernández Vicens
Scénario : Hèctor Hernández Vicens, Isaac P. Creus
Interprétation : Alba Ribas, Cristian Valencia, Albert Carbó | voir le reste du casting
Dans son premier plan, très évocateur, un corps planqué sous un drap blanc roule vers sa destination finale, le sombre dortoir terminal d'une morgue. La caméra scrute ce corps, ou plutôt cette absence de corps, sans le lâcher. En off, plusieurs nécrologies radiophoniques évoquent une flamboyante star, lumière fraîchement éteinte. A l'image glamour inséminée par l'au-delà du film, se substitue un cadavre, à l'instar de l'image récurrente qui suivra : le visage glacé par la mort mais vivant par les projections fantasmatiques qu'il inspire. Un visage jumeau de celui, non moins récurrent en son monde, de Laura Palmer extirpée de sa bâche en plastique. Le corps d'Anna Fritz est celui de tous les fantasmes, de ceux que la mort n'éteindra pas facilement. C'est pourquoi, à peine isolée dans sa cellule mortuaire, Anna sera l'objet sexuel de trois amis qui décident de passer une première et dernière nuit en sa froide compagnie. Compagnie qui, on s'en doute rapidement, ne restera pas froide bien longtemps.
The Corpse of Anna Fritz s'affirme d'entrée de jeu comme le cousin espagnol possible d'un Deadgirl (Marcel Sarmiento & Gadi Harel, 2008), ajoutant toutefois à la carence sentimentale adolescente l'idée de popularité déshumanisante, de l'échec de l'humain derrière sa représentation iconisée. Toutefois, à mesure qu'il se développe, le film d'Hector Hernandez Vicens prend la direction franche du rape and revenge sec et droit, oubliant toute réflexion au profit d'un thriller tendu mais seulement fonctionnel. Il y avait quelque chose à faire avec ce corps reprenant vie, cette image de fantasme qui traverse l'au-delà et qui aurait pu connaître une transfiguration, un basculement dans un autre régime de représentation. Vicens ne fait que dérouler, avec professionnalisme mais sans cœur, un programme de slasher inversé en apparence (la final girl est morte dès le départ) mais totalement droit dans les faits. Il ne parvient pas à faire fructifier son point de départ passionnant, et se réfugie dans la logique motrice d'un thriller qui fonctionne en soi, mais qui ne possède pas la chair qu'il prétend ressusciter.
Reste une poignée d'intentions et une très belle affiche qui joue, presque davantage que le film lui-même, sur la tension entre chair hurlante et froideur métallique.