Veneno Para Las Hadas (Mexique – 1984)

Réalisation/Scénario : 

Interprétation :  | voir le reste du casting

 

Joli morceau d’une retrospective décidément capitale en cette edition des Fantastic’ Arts, Veneno Para Las Hadas (littéralement « du venin pour les fées ») est un conte sur l’imaginaire enfantin et les forces fantasmatiques qu’il peut véhiculer.

Veronica, dont l’enfance est bercée par les contes de fées que lui raconte sa grand-mère, nourrit une passion pour les sorcières (un générique saisissant propose, au gré d’une série de fondus enchaînés rappelant la dégradation du visage d’Edith Scob dans Les yeux sans visage, la terrifiante transformation de la petite fille en une horrible sorcière campée dans la pénombre) et fait croire à sa nouvelle amie Flavia qu’elle en est une elle-même. Elle l’entraîne dans une série d’expériences de sorcellerie visant à éliminer les « fées », ennemies des sorcières dont l’imagerie sera projetée sur les adultes qui environnent les fillettes.

Veneno para las Hadas-2

            D’un prétexte fantastique, Taboada tire en fait une errance à la fois douce et malsaine dans un univers enfantin fait de jeux de rôles, de croyances aveugles et d’exercices de pouvoir. Ansi, le film baigne dans une atmosphère délétère et force le spectateur à plonger entièrement dans ce petit monde de l’enfance à la fois sans limites (tout peut arriver pour qui accepte d’y croire) et extrêmement clos (les adultes n’y ont pas droit de cité, et sont presque intégralement filmés de dos ou relégués au hors-champ). La question n’est jamais celle de l’éventualité que Veronica soit ou non une sorcière. Le film travaille plutôt le niveau de croyance que porte son « amie » à cette éventualité, et explore par petites teintes les transformations figuratives qu’elle implique : une vieille dame inerte dans un fauteuil devient pour Flavia l’incarnation de Victoria en sorcière, l’ombre de cette dernière ressemble à la sorcière du Blanche Neige de Disney lorsque Flavia se l’imagine en train de concocter sa potion magique etc.

veneno para las hadas2

Si Taboada refuse globalement un vrai basculement fantastique ou une mise en images progressive des fantasmes de Flavia, il préfère scruter ce qui, dans le réel, pourrait accréditer le jeu de dupes auquel se livre la tyranique Veronica. Le reste du temps, il se concentre sur ce jeu de mensonges et de croyance en en faisant la véritable force fantastique de cette histoire : comment un imaginaire férocement ancré dans des esprits implique des actes véritables se cloturant sur une violence tout ce qu’il y a de plus réelle.

A ce sujet, on peut regretter un manque de structure et une absence de crescendo faisant intervenir trop tôt dans le film des événements trop graves, avant de consacrer une large deuxième partie à la quête un peu trop longue des ingrédients de la potion magique permettant d’exterminer les fées. Qu’importe, le film affiche une telle liberté de ton (et, parfois, de style) et se conclut d’une façon si belle et si cruelle à la fois qu’il pourrait compter, pour peu qu’on décide de faire comme si, parmi les films fantastiques les plus singuliers et les plus beaux qu’on puisse voir.

Veneno para las Hadas-3

Submit to FacebookSubmit to Google PlusSubmit to TwitterSubmit to LinkedIn