La colère d'un homme patient (Espagne - 2016)

Réalisation : Raúl Arévalo

Scénario : Raúl Arévalo, David Pulido

Interprétation : , Luis Callejo, Ruth Díaz | voir le reste du casting

 

José passe ses journées dans un bar madrilène, sans trop rien dire. Il n'est pas là sans raison : l'établissement appartient à Juanjo, dont le frère Curro est impliqué dans un ancien braquage de bijouterie ayant coûté la vie de... la femme de José. Tout le monde a un peu oublié cette histoire qui remonte à plusieurs années, mais le pauvre veuf décide qu'il est grand temps de venger son épouse.

Tarde Para La Ira, prévu en salles chez nous fin avril sous le titre La colère d'un homme patient, est le premier film en tant que réalisateur (et co-scénariste) du comédien Raul Arevalo, que l'on a pu croiser dans La Isla Minima (Alberto Rodriguez), Les amants passagers (Pedro Almodovar) ou le sympathique Ghost Graduation (Javier Ruiz Caldera). Ce film de vengeance, âpre et froid, étonne par la solidité de son ton. Ni pugilat jouissif du genre poliziotteschi post-Inspecteur Harry (même si l'urbanité poisseuse et la manière dont on colle au corps des personnages peut évoquer le sous-genre italien) ni réflexion méta sur les raisons de la colère et la figure du vengeur (comme Gran Turismo de Clint Eastwood ou le récent Blue Ruin de Jeremy Saulnier), le film d'Arevalo est la lente autopsie d'un homme qui a arrêté de vivre il y a bien longtemps et dont l'ectoplasme erre encore à la recherche de sang.

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Comme un Gus Van Sant filmant à la nuque des personnages mutiques en quête de sens dans le dédale de leur existence, Arevalo scrute le moindre mouvement de ses personnages, chaque petite miette d'expression, attentif à tout signe annonciateur de violence. Mais l'intelligence du film réside dans sa manière assez particulière de faire de chaque geste  violent un geste de trop, en décalage complet avec un monde qui semble déjà mort. Faisant fi de tout sensationnalisme, le cinéaste filme une Espagne morne peuplée de visages désincarnés. Le fait que José  se venge « trop tard » définit le programme du film : le personnage n'est plus dans le monde (le début du film le voit noyé au milieu de personnages avec qui il peine à avoir des interactions), mais la vendetta ne l'y réintègrera jamais puisqu'il tente de réparer des méfaits d'un monde passé, qui n'existe plus. Ce n'est pas un hasard si son périple le mène hors de la ville, loin des gens, dans un monde vide de tout. La vengeance, loin de donner un sens à son existence, vide l'existence de tout le sens qui pouvait lui rester.

C'est dans cette errance en perpétuel décalage que le film est le plus fort. Son récit, et surtout sa conclusion, est plus convenue et manque cruellement d'enjeux. Si l'ambiance et le ton font mouche, il manque tout de même un propos plus solide.

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