Swiss Army Man (USA, Suède - 2016)

Réalisation, scénario : Dan Kwan, Daniel Scheinert

Interprétation : , Daniel Radcliffe, Mary Elizabeth Winstead | voir le reste du casting

 

Hank, échoué sur une île déserte, est sur le point de se pendre, mais il fait une rencontre qui va modifier ses plans : sur la plage est étendu le corps d'un homme, que Hank va essayer de ranimer. Il n'y parvient pas immédiatement, mais perçoit tout du même du mouvement, puisque le cadavre est sujet à une série de flatulences de plus en plus importantes. Frappé sous le coup du bon sens, Hank se servira de son nouvel ami pétomane comme d'un jet ski pour tenter de s'évader de l'île. Générique.

Le film raconte ainsi l'amitié entre cet homme perdu sur son île et un cadavre reprenant vie peu à peu (Manny), et dont il se servira comme d'un couteau suisse humain. Ce dernier sera tour à tour son compagnon de jeu, son confident, mais aussi sa douche, son briquet, etc. Difficile à se figurer, mais c'est pourtant le sujet de ce film étrange, sorte de remake destroy et très drôle du Seul au monde de Robert Zemeckis, dans lequel l'échoué Tom Hanks (le prénom du héros de Swiss Army Man viendrait-il d'ailleurs du nom de l'acteur ?) comptait fleurette à son ballon de volley.

Swiss-Army-Man-1

De ce postulat loufoque, très libre de ton et Z d'esprit, les Daniels dont le nom apparaît au générique à la réalisation (Daniel Scheinert et Dan Kwan) croquent peu à peu un conte métaphysique sur les puissances de l'imagination et les moyens que l'on peut trouver pour préférer composer avec sa solitude plutôt que de mourir. Si Manny aide Hank à survivre (en lui apportant de l'eau par exemple), il l'aide surtout à vivre : le film est parcouru de longs dialogues (s'apparentant davantage à des monologues de la part de Hank, Manny se contentant souvent de grogner comme un zombie ou de répéter des bribes de paroles) où l'on parle rapport à l'autre (à la personne aimée, au père...), sexualité et madeleines de Proust.

De manière symptômatique, il y a un passage merveilleux dans lequel Hank parvient, en faisant claquer les doigts du cadavre, à lui faire faire du feu. Plutôt que d'user du cliché du feu utilitaire, cela devient spontanément un prétexte ludique puisque les flammes serviront à griller du pop-corn et à faire de la lumière permettant, en ombres chinoises, de faire/regarder un film (les deux se valant).

Swiss-Army-Man-la-critique

Swiss Army Man parvient, souvent, à fonctionner sur de nombreux tableaux simultanés : la comédie absurde y cotoie le survival sordide (difficile de ne pas penser régulièrement au fait que le personnage est probablement en train de fantasmer ses interactions avec un cadavre qu'il trimbale à gauche et à droite), mais aussi la comédie musicale : l'un des enjeux formels du film est la quête d'harmonie entre les deux personnages et une musique qu'ils chantonneraient ensemble (eux avec le film, qui les accompagne hors diégèse), issue à la fois de souvenirs lointains, du thème de Jurassic Park (véritable clé d'accès au monde des fantasmes) et d'invention permanente. Et qui culmine, ici encore, lors du passage extatique qui suit la réinvention du feu par le corps aux doigts qui claquent tandis que le film chante "pop, pop corn". Ce point culminant se veut pure décharge de joie et marque la renaissance de l'espoir non pas par l'évasion physique mais par l'échappée mentale.

swiss-army-man-photo-swiss-army-man-979202

On pouvait tout craindre d'un film pareil, comédie "décalée" un peu arty réalisée par deux types venant de la pub avec, pour atout, la présence de deux acteurs "caution", Paul Dano et Daniel Radccliffe. En réalité, on assiste à un objet relativement libre (jusqu'à une fin justement trop cloisonnante, qui tente de faire retomber sur ses pattes un animal qu'on se serait contenter de regarder dériver jsqu'à la fin), parsemé de fulgurances (les longues scènes de déguisement où les troubles identitaires et fantasmatiques ouvrent des gouffres, les moments où l'on se rend compte par petites touches que notre héros n'est pas vraiment où il croit...). On y retrouve quelque chose que réussit ponctuellement Spike Jonze (en de nombreux aspects, le film est un remake adulte de son Max et les maximonstres) et que foire régulièrement Michel Gondry : la pratique du cinéma comme terrain de liberté créatrice ouvrant sur un monde qui n'appartient qu'à lui, et qui possède en lui-même toutes les armes de sa propre émancipation.

Si l'on en croit la présentation du film entendue au BIFFF, les cinéastes auraient affirmé : "Nous voulions faire un film dans lequel le premier pet ferait rire le spectateur, tandis que le dernier le ferait pleurer". Autant pour la formule, mais la vérité est toute autre : c'est fréquemment que le film fait à la fois rire et pleurer.

swiss-army-man-photo-daniel-radcliffe-paul-dano-978885

 

Submit to FacebookSubmit to Google PlusSubmit to TwitterSubmit to LinkedIn

Ajouter un Commentaire


Code de sécurité
Rafraîchir