Safe Neighborhood
Safe Neighborhood (Australie, USA - 2016)
Réalisation : Chris Peckover
Scénario : Chris Peckover, Zack Kahn
Interprétation : Levi Miller, Olivia DeJonge, Virginia Madsen ...
Ce n'est pas dans nos habitudes mais, une fois n'est pas coutume, nous vous encourageons à ne pas lire ce qui suit avant d'avoir vu le film, qui exécute un important virage narratif au terme du premier acte, qu'il est difficile de ne pas aborder.
Noël approche. Luke, gentil fils à sa maman, est bienheureux : ce soir, ses parents sortent, l'occasion pour lui de passer la soirée en compagnie de la délicieuse Ashley, la baby sitter dont il est amoureux depuis toujours. La jeune fille va bientôt quitter la ville pour ses études, c'est donc l'occasion ou jamais pour lui déclarer sa flamme et, si affinités, faire autre chose pour une fois que regarder des dessins animés. C'est que Luke n'est plus un enfant, il a maintenant douze ans ! Le soir venu, alors qu'ils regardent un film d'horreur, le garçon décide de sortir le grand jeu en ouvrant une bouteille de champagne. La bouteille n'est pas seule à s'ouvrir puisque manifestement, quelqu'un rode autour de la maison et a réussi à y entrer.
Dans sa première partie, Safe Neighborhood suit, presque à la lettre, le petit manuel de l'anti-film de Noël sauce Amblin. La banlieue pavillonnaire, le petit jeu de séduction qui évoque fortement la relation qu'entretiennent les deux personnages principaux de Small Soldiers (la jeune Olivia DeJonge affirmant d'ailleurs une ressemblance troublante avec la Kirsten Dunst d'alors), le cinéma horrifique entrant dans les foyers propres sur eux par l'entremise de la télévision... Les situation sont néanmoins plus indisciplinées que les grands frères récents, Super 8 (J.J. Abrams) ou la série Stranger Things : Luke se saoule pour impressionner la belle, se montre plus entreprenant que prévu...
Jusqu'au moment où le premier acte s'achève, avec un audacieux virage narratif : on comprend que, pour séduire Ashley, Luke a monté de toutes pièces l'intrusion terrifiante dont elle se pensait victime. Suite à l'échec de cette macabre tentative de drague par le frisson, Luke et son petit voisin complice vont séquestrer la baby sitter, avant de s'employer à inviter (pour les exterminer) ses petits amis. Le film d'horreur à peu près innocent se mue alors en comédie d'une noirceur totale, brossant le macabre portrait d'une adolescence frustrée et toute puissante. Luke se révèle progressivement pur produit d'une classe moyenne trop protectrice, victime d'un amour maternel étouffant et coupable d'en profiter grassement. Le jeune ado Spielbergien devient alors un mini Norman Bates (le garçon dort tout de même bercé par une machine type Nature & Découvertes singeant le son du placenta maternel) bien décidé à jouer son propre remake de Maman, j'ai raté l'avion (Chris Columbus).
Safe Neighborhood est jubilatoire dans sa manière de se moquer d'un esprit de Noël préfabriqué, laissant échapper les démons du consumérisme et de l'égoïsme le plus crasse. Ashley est pour Luke un objet de désir que l'enfant capricieux veut faire sien. C'est d'appropriation dont il s'agit. Pour autant, Chris Peckover le filme moins comme un pervers narcissique agressif que comme un gamin pourri gaté et joueur. Il cherche à exterminer ses concurrents, mais il le fait avec la joie victorieuse du gosse à qui rien n'est jamais refusé. Partant, c'est bien le visage hollywoodien de l'innocence qui est perverti ici (un peu à la manière du Stephen King de Simetierre) : il faut voir avec quel délice sardonique est filmé le gamin, dansant avec sa batte de baseball après l'avoir utilisé pour fracasser un crâne. Fétiche américain (quand bien même le film est une coproduction australienne) associé ici à un geste de psychopathe. Au diapason, la mise en scène du film est ludique et drôle, sans atténuer pour autant la violence des actes et du propos.
La symbiose prend à merveille entre slasher (dont Ashley sera la final girl, au geste final à la violence toute psychologique), pochade de Noël à la Chris Columbus, et Psychose : car en plus de la ressemblance qu'entretient le jeune personnage avec Norman Bates, le dernier acte joue tout entier sur une perversion toute hitchcockienne, où le spectateur tremble à la fois par et pour le personnage. Et rien que pour ça, on peut dire que Peckover parvient en une vingtaine de minutes à rendre meilleur hommage que les développeurs de la série Bates Motel en plusieurs saisons.