Meatball Machine Kodoku
Meatball Machine Kodoku (Japon - 2017)
Réalisation : Yoshihiro Nishimura
Scénario : Yoshihiro Nishimura, Sakichi Satô
Interprétation : Yurisa ., Tomori Abe, Kensuke Ashihara | voir le reste du casting
En 1999, Junichi Yamamoto réalise Meatball Machine, réponse gore au Tetsuo de Shinya Tsukamoto, réalisé dix ans auparavant. En France, on connaît surtout la deuxième version du film, produite en 2005, pour laquelle Yamamoto s'adjoint les services de Yudai Yamaguchi. Histoire d'amour se muant brutalement en suite de combats sans pitié entre cyborgs extraterrestres empruntant des corps humains pour leur forfanteries, Meatball Machine est le brûlant splatter cyberpunk qui a ouvert la voie aux trublions de feu Sushi Typhoon, dont les deux cinéastes de l'œuvre séminale, Seiji Chiba et surtout Noboru Iguchi et Yoshuihiro Nishimura.
C'est le même Nishimura qui réalise, douze ans plus tard, ce Meatball Machine Kodoku. Ce qui n'a rien d'étonnant, puisque non seulement il traînait déjà ses guêtres sur les effets spéciaux de la version 2005, mais il a en plus réalisé en 2007 une suite sous forme de court-métrage, Reject of Death. Une jeune fille s'y ouvre les veines pour découvrir sous sa peau un bouton rouge qu'elle active et qui déclenche l'intrusion sur terre des fameux nécroborgs, aliens parasitant des corps humains pour les transformer en machines à tuer. L'adolescente se voit ainsi greffer, à la place du bras, un cutter géant. Celui qu'elle utilisait pour se suicider. Le pitch renvoie, rétrospectivement, à un certain nombre de films produits par Sushi Typhoon par la suite et dont les personnages arborent une arme géante en guise de bras (Machine Girl, Yakuza Weapon...).
Meatball Machine Kodoku s'ouvre par un prologue d'une demi-heure en forme de comédie noire mettant en scène un inspecteur des impôts trop gentil pour réclamer ce que les gens lui doivent, et qui finit par se voir diagnostiquer un cancer. Cette chronique, filmée avec panache et beaucoup d'humour, est ponctuée d'apparitions troublantes : une jeune femme en long manteau et chapeau verts trace au sol des lignes blanches qui font doublon avec celles qu'arbore déjà la route. Présence vagabonde qui vérole d'emblée le film avant qu'il explose véritablement. Au terme du trajet de cette femme mystérieuse, on comprend qu'elle traçait un cercle visant à accueillir une géante cloche spatiale qui enfermera nos personnages pour que, parasités par des nécroborgs, ils se battent à mort. Le film devient alors la joyeuse parade gore que l'on sentait monter.
Même en étant familier des premiers films, cette version étonne non par sa propension au carnage délirant (même si certaines images sont saisissantes), mais par la tonalité beaucoup plus comique et bondissante qu'y prête Nishimura. S'il s'inscrit évidemment dans une logique de splatter où se doivent de couler et gicler des hectolitres de sang, le réalisateur expurge son long-métrage de la morgue et du sordide dans lesquels le genre se complait le plus souvent. Le festival gore joue souvent sur un humour de cartoon, une joie de l'idée foudroyante (ce personnage mutant d'humain-voiture !) et une astuce simple mais jubilatoire : chaque transformation se fait, comme la jeune fille suicidaire de Reject of Death, à partir d'un objet ou d'un gimmick qui caractérisait initialement le personnage. L'ouvrier s'arme d'un bras marteau-piqueur, le patron agressif se voit pousser de petites mains qui giflent, etc.
La pochade gigantesque ne prive toutefois pas Nishimura d'un propos douloureux sur l'incommunicabilité et sur la prescience de sa propre mort. Pas plus qu'il ne l'empêche d'oser quelques apparitions d'une poésie macabre renversante : ce bar dans lequel une naine chante une chanson crève-cœur, clin d'œil évident à la Lady in The Radiator d'Eraserhead, cette apparition inattendue d'Ami Tomite, en larmes et le visage floué par la surface de la cloche, s'apprêtant à livrer un message triste au monde... Autant d'instants presque figés au milieu du carnage, qui donnent un peu plus de cœur au film. Ces ruptures tonales rappellent aussi qu'au scénario se trouve Sakichi Sato, scénariste de Gozu ou Ichi The Killer de Miike.
La fraîcheur du spectacle vient aussi de la grande variété d'influences qui s'y entrechoquent. Si l'auteur cite ouvertement Evil Dead ou Frank Henenlotter, il s'autorise également des emprunts à la comédie sociale, au film de kung-fu...
Au final, une pensée achève de nous émouvoir au sortir de Kodoku : le film qu'on vient de voir, tourné avec ferveur en à peine douze jours (!), pourrait avoir été réalisé par les Fuck Bombers de Why Don't You Play In Hell ?.