BIFFF 2019-Brother's Nest
Brother's Nest (Australie – 2019)
Réalisation : Clayton Jacobson
Scénario : Jaime Browne, Chris Pahlow
Interprétation : Shane Jacobson, Clayton Jacobson, Kim Gyngell | Voir le reste du casting
Deux hommes avancent, à l'aube, poussant un vélo au beau milieu de la campagne australienne. Ils ont à peu près la même silhouette, et la relative obscurité achève d'assimiler ces deux épaisses silhouettes, en sweat-shirt noir à capuche, aux troupeaux de vache qu'elles croisent. Ils rejoignent une maison, dans laquelle ils prennent toutes les précautions du monde pour ne pas laisser la moindre trace. Sur un mur, un petit tableau représentant deux chevaux, qui semblent parfaitement identiques. Quant au nid qu'annonce le titre du film, il achève de placer ses personnages sous le signe animal. Avant même que l'histoire ne démarre, les figures qui la feront naître sont assimilées à des figures mythiques, animales et hybrides, des Dracula des fermes, peut-être.
La maison qui sera le théâtre d'un sombre forfait s'avère rapidement être celle dans laquelle ils ont grandi. Et qu'il arpentent aujourd'hui, plusieurs décennies plus tard, comme des criminels obsédés à l'idée de laisser la moindre trace de leur passage. Comme si, contrairement aux animaux du coin, ils n'appartenaient plus à ces lieux. Comme si quitter le nid les avait dissocié de leur origine.
Commence alors la planification, à la fois méticuleuse et à côté de la plaque, d'un meurtre. Ils sont venus ici pour tuer quelqu'un. L'occasion d'un long duel entre deux frères qui, en surface, se ressemblent, mais qu'en réalité tout oppose. L'un, Terry, est l'agneau qu'on envoie au sacrifice. Il n'est pas spécialement en phase avec les projets de son frère, mais le suit, avec maladresse et circonspection. Il passera son temps à le mettre face à l'absurdité de ses idées. L'autre, Jeff (malicieusement interprété par le réalisateur lui-même) est un taureau démiurge et manipulateur qui jette ses ordres qu'il avance comme une logique imparable à son « idiot » de frère.
La (longue) première partie du film est ainsi un portrait presque théâtral des rapports de force qui se tissent entre les deux. L'assurance sans appel d'un dictateur aux idées grotesques mais assumées, face à la timide candeur de celui qu'on juge idiot avant même qu'on l'ait laissé parler. On a l'impression d'assister, comme des voyeurs, à une scène familiale nichée entre deux séquences de Fargo.
C'est dans ce rapport de force que le film porte en germe, avant de laisser doucement éclore, le projet du film : peindre un personnage (Terry) dont l'existence est écrite de toutes pièces par un frère étouffant, faux double de lui-même qui ne cherche qu'à le modeler à sa propre image. Le plan d'attaque de Jeff (qui n'est pas interprété par le réalisateur pour rien) est noté, méticuleusement numéroté, comme un scénario qu'il tend, sur le tard, à son acteur qui n'en avait pas pris connaissance et qu'il trouve absurde au mieux, incompréhensible au pire.
Alors que les événements échapperont inévitablement au plan de Jeff, et que les révélations familiales se multiplieront, tout participera à égratigner le mensonge dans lequel le grand frère a bâti son existence, mensonge dont il moulera celle de son frère en partage. La farce évolue en drame criminel, à la mise en scène malheureusement un peu trop timorée pour les saillies brutales qu'elle souhaiterait faire naître.