The Loved Ones
The Loved Ones (Australie - 2009)
Réalisation/Scénario : Sean Byrne
Interprétation : Xavier Samuel, Robin McLeavy, Victoria Thaine |voir le reste du casting
Il y a différentes manières d’appréhender le cas complexe de la comédie horrifique. D’un côté, se dresse le difficile exercice parodique, dans lequel des figures sont vidées de leur substance terrifiante et ornées d’une pellicule comique qui demande à son spectateur une certaine culture, et qui souffrira sans doute d’une contemporanéité qui le rendra possiblement irregardable, ou en tout cas incompréhensible, passée la décennie qui l’aura vu naître. De l’autre côté, on trouve la comédie qui ne se moque pas des succès actuels, mais qui transpose un ton inédit dans un décorum horrifique. Là encore, les formes qui peuvent habituellement générer la peur sont décontextualisées, et les rouages comiques trouvent un terrain de jeu nouveau.
Il y a aussi une troisième catégorie de la comédie horrifique, plus rare et plus difficile à cerner : celle qui, dans un même élan, suscite de concert, dans une même situation ou un même souffle, terreur et rire. The Loved Ones, si l’on accepte de jouer le jeu de la compartimentation, entrerait volontiers dans cette dernière case. Celle dans laquelle les films se comptent sur les doigts d’une main, entre Massacre à la tronçonneuse et le trop méconnu Serial Killers de Mike Mendez.
Le sujet de ce film australien pourrait être le postulat de base d’une série B horrifique américaine classique : Un lycéen, après avoir refusé l’invitation au bal de fin d’année d’une jeune fille effacée et terriblement fleur bleue, se fera séquestrer par cette dernière et… son père, qui joueront le jeu de la soirée de bal, malgré un cavalier forcément récalcitrant.
Le film, loin de jouer la carte facile du torture-porn (ce qu’on pouvait légitimement craindre), accumule les bonnes idées : l’omniprésence du père dans les joutes amoureuses de sa fille, l’incroyable secret qui se cache dans la cave de la maison et qui alimente magnifiquement la métaphore horrifique, etc. Et, au milieu de ces fulgurances, l’idée majeure est peut-être celle qui concerne la structure globale du film : on ne reste pas enfermé dans la maison de la prédatrice, puisqu’on suit en parallèle le bal vécu par le meilleur ami geek du personnage principal (qu’on croirait tout droit sorti d’un film de Judd Apatow ou de Greg Mottola) peinant à séduire une jolie gothique dépressive. La métaphore terrible sur les relations de couple qu’offrait l’argument principal se redouble donc d’un parallèle jouant sur ce même mélange des tonalités (rire et effroi, donc), mais à un niveau différent. Là où nous aurions pu attendre un équilibre classique entre scènes horrifiques (du côté du séquestré) et scènes comiques (du côté du bal effectif), nous nous retrouvons avec cette double tonalité des deux côtés du film, à un niveau drastiquement différent. Les séquences montrant notre héros aux prises avec ses deux bourreaux se montrent systématiquement terrifiants, grâce à une logique de la surenchère, de la surprise et des débordements hystériques, dans le registre comique en même temps que dans le registre horrifique. Du côté du sympathique copain, les relations appartiennent davantage à une étude de caractère, dont le réalisme alimente à merveille une horreur « banale » des sentiments.
C’est donc bien sur cette multiplicité des intentions que joue le film de Sean Byrne pour nous offrir un kaléidoscope des émotions débordantes et contradictoires auxquelles les loved ones sont régulièrement confrontés, et très souvent représentés au cinéma. Malheureusement, rarement avec autant de force.