I Saw The Devil
J'ai rencontré le diable (Corée du sud - 2010)
Réalisation : Kim Jee-Woon
Scénario : Hoon-jung Park
Interprétation : Byung-hun Lee, Min-sik Choi, In-seo Kim |voir le reste du casting
Un tueur en série torture et assassine sauvagement la femme d’un agent secret. Celui-ci décide alors de faire cavalier seul pour se venger.
De ce point de départ très classique (et cher au cinéma coréen: on se souvient de la trilogie de la vengeance de Park Chan Wook ainsi que de Bittersweet life dont sont d’ailleurs issus les 2 acteurs principaux) va se déployer un film qui n’est pas une simple traque au psychopathe mais bel et bien un marathon sur la manière dont une vengeance justifiée peut être exercée.
Les vingt premières minutes du film plantent le décor: une jeune femme innocente et en panne sur une route déserte se voit proposer de l’aide par un type louche et insistant alors qu’elle est en conversation téléphonique avec son mari, super agent secret en mission qui n’hésite pourtant pas à se montrer doux et rassurant envers sa bien-aimée. Tout s’enchaîne alors très vite: elle se fait capturer, tabasser, violer sans doute, torturer et enfin tuer, le tout de la manière la plus atroce possible. Viennent ensuite la découverte du corps, l’enterrement et le rapprochement du mari et du père de la victime, autant de scènes qui provoque une inévitable empathie du spectateur envers le héros, véritable figure de saint à ce moment de l'oeuvre.
On observe d'ailleurs qu'il s'agit du pendant obscur de la mort de Jésus : ici un homme voit son épouse-martyre se faire «crucifier» par le diable et se jure de ne pas pardonner. Il entre alors véritablement en scène: sans se soucier de la procédure officielle, il décide de mener sa propre enquête afin d’accomplir une vengeance à hauteur du préjudice subi. Très vite (trop vite?), il retrouve la trace du meurtrier prêt à faire une nouvelle victime et fond sur lui. On se pose alors la question: le film, censé durer presque deux heures et demie, semble trouver un dénouement avant même une heure. C’est là que la surprise intervient: loin de tuer le monstre qui a fait subir mille outrages à sa femme (enceinte qui plus est), il se contente de lui retirer sa proie et de le laisser au bord de la route, blessé mais vivant. Il passera le reste du film à répéter ce schéma-là, un jeu du chat et de la souris pervers dans lequel le héros se hisse au rang de monstre assoiffé de vengeance.
On sort de la salle partagés. Pour ce qui est de la réalisation, le film tient ses promesses: la mise en scène est dynamique, la plastique du film très soignée et les acteurs principaux excellents. De plus, l’idée d’une vengeance à rallonge est bien exploitée et on se demande à chaque fois si le point final va enfin être mis à cette affaire, tout en avouant que l’on prend plaisir à assister au calvaire du méchant psychopathe-pédophile-récidiviste que la police n’arrive jamais à attraper.
Cependant le choix du réalisateur de faire un film aussi long tenait de la gageure. S’il est amusant de voir ce motif (poursuite, confrontation, punition, relaxe) se répéter, après une heure on finit par s’en lasser, le fond restant identique, c’est la forme qui varie en optant pour la surenchère visuelle et psychologique: les sévices corporels sont de plus en plus sadiques, les implications sont de plus en plus grandes (les familles des deux protagonistes finissent par être entraînées…), les scènes de plus en plus gores font de moins en moins effet et on se retrouve dans une sorte de course à la cruauté qui rapproche parfois le film d’un vulgaire Saw. Cela semble être la tendance du nouveau film d’horreur: montrer tout jusqu’à l’indigestion. Rien ne nous est épargné (une scène de cannibalisme bien inutile, un final d’une complaisance malsaine) et c’est bien dommage car l’intimité première de la vengeance cède peu à peu place à une banale orgie de sang et de souffrance.
Le film qui a remporté trois prix au festival de Gérardmer (Prix du public, prix de la critique et prix du jury jeune) était une des valeurs sûres de ce festival. Solide de par sa réalisation, porté par des acteurs plus que convaincants et développant d’une manière originale un thème très éculé, I Saw The Devil est pourtant tombé dans le piège facile de la surenchère démonstrative. Le plaisir du début s’essouffle avec la longueur.