Dream Home
Dream Home (Hong-Kong - 2010)
Réalisation : Ho-Cheung Pang
Scénario : Ho-Cheung Pang, Kwok Cheung Tsang, Chi-Man Wan
Interprétation : Josie Ho, Juno Mak, Michelle Ye |voir le reste du casting
L'idée d'un cinéma d'horreur tout entier fondé sur une ritualisation meurtrière et capitalisant sur une série de numéros comme autant de moments de bravoure n'est pas nouvelle. Le film d'horreur, et c'est le propre de tout genre, a su évoluer dans différentes directions tout en consolidant une base générique presque inévitable : la fragmentation d'un récit, quel qu'il soit, marqué par une régulière ponctuation meurtrière. Du giallo au slasher, du film hanté au film de monstres, du survival au film de serial-killer, la mécanique horrifique est presque invariablement constituée de rouages répondant à l'éternelle logique du body count. Les personnages sont tous, avec plus ou moins d'archétypes, de potentiels futurs cadavres dont la mise à mort constituera une large part de l'intérêt que quiconque portera au film.
Bien sûr, les formes qu'a connu cette systématisation ont évolué, et les auteurs les plus maladroits auront finalement heurté les barrières que dresse immanquablement toute postmodernité : d'un côté le système clos plus ou moins parodique, en tout cas référentiel, et de l'autre la triste figure d'un cinéma de genre dont les ficelles sont devenues des cordes, et dans lequel l'excès n'a plus aucune autre ambition que de se servir à lui-même.
Dream Home apparaît au carrefour du slasher et du torture-porn, le tout bâti autour d'un prétexte social fort : une jeune femme se trouve dans l'incapacité financière d'obtenir l'appartement dont elle rêve. Elle décide alors progressivement d'assassiner les habitants de l'immeuble, un par un, afin de réduire la valeur de celui-ci. Nous pouvons alors nous attendre à une descente au long cours dans la folie d'un personnage pour lequel nous pourrions éventuellement éprouver de l'empathie, ou du moins une forme de compréhension. Là où il nous semble que le film loupe le coche, c'est justement dans son attachement à aborder son sujet d'un point de vue strictement générique, entendre par là systématique. Le film est structuré de manière binaire, puisque sont montés en parallèle l'évolution progressive de sa folie, et les meurtres qu'elle finira par commettre. Ce faisant, Pang réduit le genre qu'il a choisi à son expression la plus pure, puisque la structure est dictée non pas par une progression narrative, mais par une logique mécanique, liée essentiellement à un rythme qui fait se succéder de manière sèche les séquences de meurtre et les séquences de non-meurtre. On s'approche ainsi de la logique des torture-porn qui ne s'embarrassent pas d'intégrer une séquence de meurtre au sein d'une narration, mais au contraire en font surgir une sans raison, sans dès que le metteur en scène doit supposer que son spectateur s'ennuie.
Dommage, puisque ce procédé empêche non seulement le film de décoller véritablement, mais il nous prive surtout de la moindre empathie envers un personnage qui n'évolue jamais vraiment, puisque sa progression narrative, qui a pourtant les contours d'une progression psychologique, est régulièrement freinée par ses actions pures, d'une violence assez poussée mais qui, là encore, fonctionne sur le principe du tour de force : chaque meurtre rivalise d'ingéniosité dans le sadisme, et achève d'en faire un petit numéro de music-hall macabre.
Le film est également assez maladroit dans sa tonalité, puisque les meurtres sont alternativement secs, brutaux, ou porteurs d'un humour noir assez malvenu, mêlant mutilations insoutenables et gags potaches dignes de Scary Movie.
Nous en sommes ressortis un peu tristes, après l’attente suscitée par un excellent bouche à oreille dont était (et est toujours) couronné le film au fil de ses passages successifs en festivals, y compris par notre cher rédacteur Pierre, qui signe ailleurs sur ce blog des lignes bien plus élogieuses que les notres sur ce film.