La Piel Que Habito
La Piel Que Habito (Espagne - 2011)
Réalisation/Scénario : Pedro Almodóvar
Interprétation : Antonio Banderas, Elena Anaya, Jan Cornet |voir le reste du casting
Sorti en vidéo il y a peu, le dernier film de Pedro Almodovar avait suscité un étrange engouement lors de la sortie en salles, puisqu'on entendait régulièrement de grandes louanges sans partage qui faisaient de La Piel Que Habito le meilleur film de son auteur... Meilleur film d'Almodovar? Pour un spectateur pas forcément proche de l'œuvre du cinéaste espagnol, l'idée n'est pas forcément difficile à avaler, louanges au milieu desquelles émergeait quand même un discours un peu plus alarmant : le film ne ferait que s'inspirer maladroitement d'un suspense Hitchcockien enrobé de formes piquées directement au Franju des Yeux sans visage. Pour avoir manqué le film lors de sa sortie en salles, j'allais alors le rattraper avec d'étranges à-prioris.
Au final, qu'importe que ce soit le meilleur film de son auteur ou non (de toute manière, quelqu'un les a-t-il vraiment tous vus ?), et qu'importe qu'effectivement on reconnaisse un grand nombre de références plus qu'évidentes, puisqu'elles sont parfois même citées directement (Franju donc, mais aussi la sculptrice Louise Bourgeois). Le problème du film, qui s'affirme de manière un peu arrogante comme un thriller déviant, est justement de ne pas parvenir à faire de cette déviance un trait de caractère forcé, un peu comme lorsqu'on force un peu malhonnêtement un aspect de sa personnalité. Almodovar ne recule alors devant rien pour créer un baroque de circonstance (le frère assimilé formellement à un tigre, bof...), en enchaînant une série de plans poussifs, trop composés, trop factices et surtout trop signifiants, puisque certains d'entre eux feraient passer l'ensemble de l'œuvre de De Palma pour de l'art brut.
Si certains plans de manquent pas d'élégance (immanquablement, ils renferment en leur cadre la sublime Elena Anaya), Almodovar réussit presque toujours à les désamorcer en leur ajoutant une idée absurde (le yoga, l'hilarante scène des sex-toys en poupées russes), en surlignant au marqueur certaines de ses idées les plus faibles (la maison d'Antonio Banderas, orné de tableaux aux styles multiples, miroirs de sa psyché déconstruite et du monstre de Frankenstein qu'il est en train de créer, hum...) ou en osant de petits décalages assez peu réussis (notamment au niveau de la musique).
En définitive, si le film peut intriguer par instants, il ne parvient jamais vraiment à s'incarner, comme le suggérait pourtant orgueilleusement son titre, comme le grand thriller déliquescent et flamboyant à la fois qu'il rêverait d'être.