Babycall
Babycall (Norvège/Allemagne/Norvège - 2011)
Réalisation/Scénario : Pål Sletaune
Interprétation : Noomi Rapace, Kristoffer Joner, Vetle Qvenild Werring | voir le reste du casting
Il est intéressant d'observer l'étrange tendance qu'ont les jurés des dernières éditions des Fantastic'Arts à décerner leur Grand Prix à des films qui, s'ils ne sont pas forcément mauvais, loin de là (Morse de Tomas Alfredson en 2009, Bedevilled de Jang Cheolsoo en 2011), sont quand même souvent assez ternes et, surtout, marquent une volonté d'inscrire au panthéon du fantastique selon Gérardmer des œuvres inoffensives, à mille lieux des folles possibilités offertes par le genre (Norway of Life de Jens Lien en 2007, The Door d'Anno Saul en 2010, et on n'osera même pas aborder certains des prix du jury). C'est préoccupant lorsque l'on sait que les films les plus innovants se cachent souvent pas bien loin de ceux primés, qu'ils les côtoient dans la compétition ou, le plus souvent, qu'ils se distinguent hors compétition.
Cette année, donc, nous permet une fois de plus de nous poser la question : que vaut ce grand prix 2012 qui se distingue d'une sélection dans laquelle se côtoyaient, sans pour autant concourir, des choses aussi passionnantes et/ou inventives que The Woman, New Kids Turbo, Chronicle ou Eva ?
Après le gentiment étrange Next Door, on n'attendait pas forcément le réalisateur norvégien Pal Sletaune avec la bave aux lèvres. Il nous livre donc ce Babycall, film fantastique atmosphérique lorgnant du côté de Polanski, Zulawski ou du Nakata de Dark Water, pour lequel il a pu se payer le luxe de la présence de la mini-star de Millénium, la fascinante Noomi Rapace. Celle-ci interprète donc Anna, mère perturbée d'un enfant qu'elle tente par tous les moyens d'éloigner d'un père violent. Elle emménage alors avec lui dans un petit appartement sordide et pousse sa folie protectrice jusqu'à acheter un talkie-walkie qu'elle place dans la chambre de l'enfant (qui a huit ans) et dans la sienne, pour être certaine que rien ne se passe quand elle n'est pas avec lui. Une nuit, elle entend les hurlements d'un enfants qui se fait visiblement torturer dans un appartement non loin du leur, puisqu'il s'agit certainement d'une interférence avec un autre appareil dans l'immeuble.
Une longue introduction marque d'emblée le film d'une volonté trop forte d'être sordide pour être autre chose que terne et plombant. On suit de manière assez plate l'évolution d'Anna et de son fils dans cet appartement gris et sentant le renfermé dans lequel elle souhaite, au gré d'une ritournelle de gestes répétitifs, le tenir cloîtré, protégé. Et, au moment où le film s'enlise dans une petite routine vaguement malaisante mais surtout plutôt ennuyeuse, percent à divers endroits une série d'événements alternativement étranges (un deuxième petit garçon investit l'appartement sans qu'on comprenne trop pourquoi), pesants (le père brutal menace de refaire surface) ou terrifiants (les hurlements fracassants qui surgissent du fameux babycall) qui nous sortent un peu de notre torpeur. De très belles séquences moites nous perdent parfois dans un labyrinthe d'impressions et de perceptions, si bien qu'à certains moments on ne sait tout simplement plus à qui appartiennent certaines visions.
Malheureusement, alors qu'on attendait vaguement une solution tortueuse à ce puzzle ou à un refus catégorique de mettre à plat le moindre fin mot de l'histoire, Sletaune s'en sort par une pirouette rapide et facile qui explique tout sans n'expliquer rien (ce qui était déjà un peu le cas de Next Door). On sort ainsi du film avec une grosse pointe de déception, quelques images restant pourtant solidement ancrées en tête, avec toujours un point commun : les yeux de Noomi Rapace roulants perpétuellement d'un point à un autre du décor, comme s'ils cherchaient dans le vide un point où se raccrocher. Cela reste peu de choses au sein d'un film un peu exsangue, un peu trop auto-satisfait, possédant donc au final les épaules parfaites pour un Grand Prix gérômois.